Noureddine Boutarfa, le ministre algérien de l’énergie, au premier plan lors d’une réunion de l’Opep à Alger, en septembre. | RYAD KRAMDI / AFP

Depuis plusieurs semaines, l’Arabie saoudite tente d’arracher aux autres producteurs de pétrole un accord de réduction d’environ 2 % de la production mondiale afin de faire remonter les cours tombés sous la barre de 50 dollars le baril. Et depuis plusieurs jours, on assiste à un ballet diplomatique intense pour sceller un accord et faire oublier l’échec, en avril, du sommet de Doha (Qatar).

Tout devrait se jouer lors de la réunion des 14 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), mercredi 30 novembre, à Vienne. Les pourparlers s’intensifient entre quatre acteurs majeurs : les trois plus gros producteurs de l’OPEP (Arabie saoudite, Irak, Iran) et la Russie, qui est actuellement le premier producteur mondial d’or noir.

Noureddine Boutarfa, ministre algérien de l’énergie, joue le « monsieur bons offices » avec une proposition chiffrée de baisse de la production. Il doit rencontrer son homologue irakien lundi 28 novembre et le ministre iranien du pétrole dès samedi 26, alors que Téhéran semble le plus difficile à convaincre de porter une partie du fardeau. L’accord est loin d’être acquis au sein du cartel, ce qui explique l’annulation de la réunion russo-saoudienne prévue lundi. Avant de s’engager, Moscou réclame un accord préalable au sein de l’OPEP.

Les pays pétroliers sont au moins d’accord sur un diagnostic, partagé par l’OPEP et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : le déséquilibre entre une offre surabondante et une demande en progression modérée persistera au premier semestre 2017, le rééquilibrage ne pouvant intervenir qu’au second semestre.

33,6 millions de barils par jour en octobre

Cette situation plaide en faveur d’un resserrement rapide des vannes. En septembre, à Alger, l’OPEP, qui produit un tiers du brut mondial, s’était entendu pour discuter d’une baisse de production. Elle se fondait alors sur les données d’août. Depuis, la production a continué de progresser et l’on estime que le cartel de Vienne a produit, en moyenne, 33,6 millions de barils par jour en octobre.

Il est envisagé que l’OPEP la réduise d’environ 1,1 million, une partie importante de l’effort étant consentie par les Saoudiens. Si la Libye et le Nigeria sont autorisés à redresser leur production pour retrouver le niveau d’avant la guerre civile ou les troubles dans le delta du Niger, l’Irak et l’Iran n’en seront pas exemptés. Or si l’Irak fait preuve pour l’heure de bonne volonté, rien n’est acquis du côté des Iraniens. Un refus du géant chiite freinerait les velléités régulatrices du royaume sunnite de Ryad.

Autre inconnue : la Russie. Vladimir Poutine s’est seulement dit prêt à « geler » sa production. Un plafonnement à son niveau actuel de plus de 11 millions de barils par jour – un record depuis la chute de l’URSS – pénaliserait d’autant moins les pétroliers russes qu’ils produisent déjà au taquet. Le ministre de l’énergie, Alexandre Novak, a indiqué que l’OPEP réclamait au pays non membres du cartel une baisse quotidienne de 500 000 barils.

Cet effort concernerait de grands producteurs comme le Mexique et le Kazakhstan. M. Novak estime qu’un gel au niveau actuel reviendrait, pour son pays, à « une baisse de 200 000 à 300 000 barils par jour par rapport à la croissance prévue ». La Russie, dont le budget reste très dépend des cours pétroliers, a tout à gagner d’une réduction modérée de production et d’une hausse sensible des prix.

Elle détient une partie de la solution. « Je pense aujourd’hui qu’il y a une dynamique vers un accord, a déclaré le PDG de Total, Patrick Pouyanné, lors d’un forum sur l’énergie organisé jeudi 24 novembre à Paris. Maintenant, ça ne sera possible que si les pays non OPEP, et donc la Russie, participent à l’accord parce que l’OPEP – l’Arabie (saoudite) – ne prendra pas sur elle toute seule un accord si la Russie n’y participe pas. »

Depuis un an, les pays producteurs subissent moins une baisse qu’une grande volatilité des cours. Le point bas a été atteint mi-janvier (28 dollars), puis le baril de Brent est remonté à 50 dollars à certaines périodes, soutenu par les palabres au sein de l’OPEP et la perspective d’un accord. Il a même crevé ce plafond quelques jours, mi-octobre, pour atteindre 53 dollars. Un prix qui se rapproche de la bande de 55-65 dollars dans laquelle les membres de l’OPEP souhaitent voir le baril fluctuer. Sensiblement au-dessus des 45 dollars qu’il enregistre en moyenne depuis un an.

Vers une remontée temporaire des prix

Las, tous les pays ont de bonnes raisons de plaider qu’un gel de production les pénaliserait. Notamment en dehors de l’OPEP. Le Mexique, qui a nationalisé son industrie pétrolière dès 1938, met en avant l’ouverture de son industrie à des investisseurs étrangers. Les autorités brésiliennes assurent qu’elles n’ont pas les mains libres avec Petrobras, qui est certes public mais coté en Bourse. Une situation similaire en Russie pour Rosneft, tandis que le deuxième producteur russe Lukoil est une société privée. Quant au Kazakhstan, aussi approché par Moscou, il vient à peine de relancer la production de Kashagan, son gisement géant de Mer caspienne arrêté depuis trois ans.

Une inconnue forte demeure sur la base même choisie pour calculer la baisse de production, puisque l’OPEP et chaque pays divergent souvent sur le nombre de barils pompés. Et dans l’hypothèse d’un accord pays par pays, encore faudrait-il que les producteurs le respecte, ce qui n’est pas la règle d’or au sein du cartel !

Il reste qu’un compromis à Vienne pourrait n’entraîner qu’une remontée temporaire des prix. Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), a répété, vendredi à Tokyo, qu’un baril à 60 dollars inciterait les producteurs non liés par l’accord à produire plus. Et tout particulièrement les pétroliers américains déjà galvanisés par l’élection de Donald Trump, leur plus fervent soutien. Non seulement une remontée des prix rend les huiles de schistes rentables, mais la promesse de baisse des taxes du président élu a dégagé leur horizon. Si la production américaine reprend une courbe ascendante, les cours risquent, eux, d’épouser la tendance inverse.