Geddel Vieira Lima, ministre chargé des relations institutionnelles, en mai, à Brasilia. | EVARISTO SA / AFP

Il a fallu que le scandale atteigne le président brésilien, Michel Temer, et affole les marchés financiers, pour que le ministre Geddel Vieira Lima, chargé des relations institutionnelles, en particulier avec le Parlement et les partis, présente sa démission au chef de l’Etat. « Les critiques contre moi se sont amplifiées. A Salvador [Etat de Bahia, dans le Nordeste], je vois la souffrance de mes proches. Qui me connaît sait que ceci est la limite du supportable. Il est temps de partir », a-t-il écrit, vendredi 25 novembre, à l’attention de M. Temer.

Le départ de ce poids lourd du gouvernement, soupçonné de conflit d’intérêts, allonge d’un sixième nom la liste des démissions enregistrées par l’équipe installée à Brasilia depuis moins de six mois. « Un gouvernement qui semble déjà vieux », commente l’éditorialiste Fabio Zanini, dans le quotidien Folha de Sao Paulo.

La situation de Geddel Vieira Lima, considéré comme le bras droit de Michel Temer, était devenue intenable après les révélations d’un autre ministre démissionnaire, Marcelo Calero. A la tête du ministère de la culture, ce dernier avait claqué la porte du gouvernement une semaine plus tôt, le 18 novembre, dénonçant la pression insistante, voire « hargneuse », de Geddel Vieira Lima pour autoriser la construction d’une tour de près de 100 mètres de hauteur à proximité d’une zone historique dans l’Etat de ­Bahia.

« Et moi, je m’en sors comment ? »

Le projet, baptisé « La Vue », avait été bloqué par l’Institut brésilien de préservation du patrimoine historique, organe sous l’autorité du ministère de la culture. Geddel Vieira Lima était personnellement impliqué dans ce projet immobilier, ayant investi dans un appartement. « Et moi, je m’en sors comment ? », aurait-il notamment lancé au jeune ministre.

En dépit d’une défense brouillonne, pleurant à l’évocation de cette affaire, Geddel Vieira Lima a bénéficié du soutien de Michel Temer jusqu’à ce que, dans un ultime coup de théâtre, Marcelo Calero confesse à la police fédérale des pressions exercées par le président lui-même. Des enregistrements audio, en possession de M. Calero, attesteraient de l’implication d’autorités du gouvernement fédéral.

Les révélations dans la presse, jeudi 24 novembre, de la déposition du ministre, ont conduit les rangs de l’opposition à réclamer la destitution de Michel Temer. Quelques heures plus tard, la ­lettre de démission de Geddel ­arrivait au Planalto, le palais présidentiel.

« Si les enregistrements confirment que le président a agi pour défendre les intérêts particuliers d’un ministre contre le patrimoine commun, c’en est fini du gouvernement Temer », commente, sur Twitter, Jose Roberto Toledo, éditorialiste du quotidien Estado de Sao Paulo.

L’affaire fragilise un gouvernement qui peine à asseoir sa ­légitimité. Arrivé sur la plus haute ­marche du pouvoir à la suite de la procédure de destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, en août, Michel Temer, ultra-impopulaire, ne parvient pas à rétablir la stabilité politique promise pour garantir la reprise économique. La crise s’installe et les scandales politiques s’enchaînent.

Le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, étiqueté au centre) auquel appartient Michel Temer est dans le viseur de l’opération « Lava Jato » (lavage express), cette enquête sur les détournements de fonds liés au groupe public pétrolier Petrobras. Après l’emprisonnement du président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha (PMDB) le 19 octobre et de l’ancien gouverneur de Rio de Janeiro, Sergio Cabral (PMDB) le 17 novembre, le président du Sénat, Renan Calheiros (PMDB), pourrait être inquiété.

« Délation de la fin du monde »

« Les répercussions du cas Geddel affaiblissent un gouvernement décrédibilisé », observe Marco Antonio Carvalho Teixeira, professeur de sciences politiques à la fondation Getulio-Vargas, à Sao Paulo. S’ajoute à cela la crainte liée à la divulgation potentielle des aveux de Marcelo Odebrecht, protagoniste du scandale Petrobras, et de plusieurs cadres du groupe du même nom. La « délation de la fin du monde », disent les médias brésiliens, qui pourrait impliquer plus d’une centaine de dirigeants politiques.

« Il suffit d’un rien pour que Michel Temer soit en danger », constate le politologue Mathias de Alencastro. Le seuil de tolérance de l’opinion publique s’est, en effet, sans doute abaissé depuis l’opération « Lava Jato ». Mais surtout, note-t-il, la fonction politique et présidentielle, est, depuis la destitution de Dilma Rousseff, totalement désacralisée.