Lorelai Gilmore et Rory Gilmore (Lauren Graham et Alexis Bledel), une mère célibataire et sa fille qu’elle a eue à 16 ans.

Le matraquage médiatique de Netflix vous aura difficilement échappé : la maison de production entame la diffusion, vendredi 25 novembre, d’une huitième saison de Gilmore Girls, disponible exclusivement sur sa propre plateforme de streaming. Cette série américaine diffusée entre 2000 et 2007 aux Etats-Unis, est l’histoire de la relation fusionnelle entre Lorelai Gilmore et Rory Gilmore (Lauren Graham et Alexis Bledel), une mère célibataire et sa fille qu’elle a eue à 16 ans.

Gilmore Girls a cessé d’être diffusée aux Etats-Unis il y a presque dix ans. Du temps de sa diffusion, elle n’a jamais gagné de prix prestigieux ni atteint des records d’audiences. Et pourtant, à en juger par l’excitation des internautes, l’intérêt pour la série n’a pas faibli. C’est sans doute pourquoi Netflix, flairant une juteuse opération, a décidé de créer une saison 8.

Sur Facebook, plusieurs communautés de fans rassemblent des dizaines de milliers de membres, dans plusieurs pays. Sur Twitter (en France), il y a de quoi rester perplexe entre ceux qui sont arrivés en retard au boulot, ceux qui promettent d’envoyer valser leurs devoirs à rendre pour « binge-watcher » tout le weekend et ceux qui ont carrément posé un congé pour le faire.

Mais qu’avaient donc les Gilmore de si fascinant ? Lorelai et Rory vivent dans la petite ville fictionnelle de Stars Hollow, dans le Connecticut, sur la côte est des Etats-Unis. Une ville idyllique, minuscule et charmante, avec son café, quelques amis, une grand-mère acariâtre et l’église du village en lattes de bois blanches. Une carte postale de la Nouvelle-Angleterre a priori plutôt lisse.

Personnages atypiques et décalés

Mais les deux femmes avaient juste assez de défauts pour être attachantes. Parlant vite, mangeant beaucoup et mal, elles sont légèrement décalées, ne faisant jamais rien comme il faut, ponctuant chaque discussion d’une rasade de café largement au-dessus de l’apport journalier recommandé : la mère d’abord, devant assumer d’élever seule sa fille tout en menant sa carrière comme directrice de l’hôtel du coin. La fille ensuite, préférant les livres aux interactions sociales.

Le public de Gilmore Girls était – et il l’est sans doute resté – essentiellement féminin. Comme les héroïnes de Sex and the city avant elles, les deux femmes affirment une forte identité féminine et des trajectoires atypiques, avec un schéma familial rarement vu à la télévision : une mère et une fille d’âges proches et vivant seules, les hommes gardant toujours un rôle satellite dans les sept premières saisons.

Mais il y avait aussi la personnalité très affirmée de Rory Gilmore, assumant son côté « rat de bibliothèque » d’un bout à l’autre des sept premières saisons, de la cour de l’école à ses études de littérature, avant de choisir, finalement, de devenir journaliste. Dans Gilmore Girls, être un peu à part et mener son chemin sans que les hommes n’y interfèrent était glorifié. Lorsque il y avait conflit entre sa trajectoire personnelle et un garçon, pour la mère comme pour la fille, ce n’était jamais le second qui l’emportait. Un progressisme qui n’allait que jusqu’à un certain point, la télévision américaine n’étant pas encore prête à toutes les concessions : Rory et Lorelai Gilmore correspondant chacune pour leur tranche d’âge à un canon de beauté.

La vie réelle, en mieux

Dans le New York Times Magazine, Haley Mlotek développe un autre argument pour expliquer la fascination durable pour cette série. Elle parle de « fiction émotionnelle spéculative ». Un genre qui reproduit exactement la vie réelle et la transforme en quelque chose d’un tout petit peu mieux. Après tout, les préoccupations de Rory Gilmore ressemblent à celle de nombreuses adolescentes de la classe moyenne américaine : essayer de ne pas craquer devant un hamburger, choisir sa robe du bal de promotion, réunir l’argent pour entrer dans les meilleures écoles…

« La fiction émotionnelle spéculative prend tout ce qu’il y a de reconnaissable dans la vraie vie mais lui ajoute des qualités hors de portée en réalité, comme des dénouements satisfaisants, des personnages qui finissent par triompher, là où la perte finit toujours par être réparée et où les expériences sont saupoudrées de réparties bien senties. »

Entre Donald Trump et Thanksgiving, le refuge parfait

Ce monde « réel mais en un peu mieux » a également le mérite d’offrir un refuge confortable, à un moment où les Etats-Unis traversent une période difficile pour une partie de ses habitants, après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. Gilmore Girls arrive à point nommé le lendemain de Thanksgiving, réunion familiale obligée pour les Américains et lieu de tous les dangers pour qui veut éviter les discussions politiques familiales houleuses.

Comme l’explique le Los Angeles Times, la série a toujours tenu « une place particulière dans la pop culture américaine, offrant un refuge fictionnel dans les temps troublés de la vie réel ». Un caractère refuge accentué par le contexte politique de l’élection de Donald Trump. « Vendredi, quiconque en a assez d’éviter les conversations politiques avec son oncle devrait envisager de visiter Stars Hollow, dans le Connecticut, la communauté incroyablement harmonieuse et pittoresque au centre de Gilmore Girls. »