Alain Juppé vient voter à Cauderan pour le deuxième tour de la primaire de la droite, le 27 novembre. | MICHAEL ZUMSTEIN / AGENCE VU POUR "LE MONDE"

« J’ai donné quarante ans de ma vie au service de la France, et cela m’a apporté de grands bonheurs et quelques peines. » Le discours de défaite d’Alain Juppé, dimanche 28 novembre, sonnait comme un discours d’adieu à la politique nationale. En quarante ans, Alain Juppé a en effet connu les plus hauts postes – premier ministre, ministre des affaires étrangères, ministre de la défense – et quelques déceptions, dont la plus grande s’est sans doute matérialisée au soir du second tour de la primaire. A 71 ans, le maire de Bordeaux a probablement vu s’envoler, avec ce cinglant échec, ses rêves de conquête de l’Elysée. Retour sur les moments de disgrâce d’Alain Juppé.

  • Les grandes grèves de 1995 et la chute de 1997

Après une campagne menée sur le thème de la « fracture sociale », Jacques Chirac est élu président de la République et nomme Alain Juppé premier ministre. En novembre et décembre 1995, le « plan Juppé » de réforme des retraites et de la Sécurité sociale déclenche des grèves de grande ampleur, entraînant un blocage du pays jamais vu depuis Mai 68. M. Juppé devient la figure honnie de la contestation, et le 15 décembre, le gouvernement finit par revenir sur une partie de sa réforme, et notamment sur le point de blocage qu’était l’allongement de la durée de cotisation pour les salariés de la fonction publique. Le premier ministre reste en place, malgré une image fortement écornée.

Pensant choisir le meilleur moment pour conserver sa majorité parlementaire, Jacques Chirac décide de dissoudre l’Assemblée nationale le 21 avril 1997. Problème, la majorité présidentielle s’effondre et la gauche plurielle de Lionel Jospin prend d’assaut le Palais-Bourbon. Une période de cohabitation s’installe, et Alain Juppé doit quitter Matignon.

  • Condamné à un an d’inéligibilité en 2004

Le 30 janvier 2004, Alain Juppé, président de l’UMP, est condamné en première instance par le tribunal de Nanterre à dix-huit mois de prison avec sursis et à dix ans d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs du RPR et de la Mairie de Paris.

L’ancien secrétaire général du parti de Jacques Chirac, voyant sa carrière politique s’effondrer, évoque un « séisme » et décide de faire appel. Le 1er décembre 2004, la cour d’appel de Versailles se montre plus clémente et réduit sa condamnation à quatorze mois de prison avec sursis et à un an d’inéligibilité. Alain Juppé laisse alors Bordeaux à son premier adjoint, la députation à son suppléant, et l’UMP à son rival de toujours, Nicolas Sarkozy, puis il s’exile au Canada, où l’Ecole nationale d’administration publique du Québec lui propose un poste d’enseignant. Il ne reviendra en France qu’en août 2006, décidé à relancer sa vie politique.

Alain Juppé : « J'ai été condamné [...], j'ai assumé, j'ai payé »
Durée : 01:48

  • 2007 : un très bref retour au gouvernement

L’élection de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, en 2007, signe le retour d’Alain Juppé dans un gouvernement. Le maire de Bordeaux est nommé le 18 mai ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable. Il a le titre de ministre d’Etat.

Mais le retour en grâce est de courte durée. Le premier ministre, François Fillon, avait édicté une règle : les ministres candidats aux législatives devaient obligatoirement remporter l’élection pour rester au gouvernement. Or, Alain Juppé trébuche dans la 2e circonscription de la Gironde et se fait battre, de 670 voix, par la socialiste Michèle Delaunay. Au lendemain de sa défaite, tout juste un mois après sa nomination, il annonce sa démission. Il retrouvera toutefois le gouvernement Fillon et son titre de ministre d’Etat de 2010 à 2012, d’abord à la défense puis aux affaires étrangères.

  • 2016 : large défaite lors d’une primaire qui lui était promise

Alain Juppé se déclare candidat à la primaire de la droite dès août 2014, quelques semaines après sa victoire aux municipales à Bordeaux. L’ancien premier ministre jouit immédiatement d’une grande popularité, et les sondages le placent en tête du premier tour de la primaire. Une position de leader qu’il ne perd jamais au fil des semaines, jusqu’aux jours précédents le premier tour. Tout juste les instituts de sondage perçoivent-ils dans les derniers moments de la campagne une importante poussée de François Fillon, jusqu’alors toujours donné à la troisième place derrière Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.

Le 20 novembre, les résultats tombent, sans équivoque : François Fillon est en tête du premier tour et , avec 44 % des voix, il fait figure de favori devant Alain Juppé. Une semaine plus tard, le maire de Bordeaux s’incline nettement, avec 33,5 % des voix, face à son concurrent.

Juppé : « Je félicite François Fillon pour sa large victoire »
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