Des électeurs font la queue pour voter, à Flint, Michigan, le 8 novembre. | NOVA SAFO / AFP

Donald Trump a vivement réagi, samedi 26 et dimanche 27 novembre, à la perspective d’un recomptage des voix dans trois Etats, le Wisconsin, la Pennsylvanie et le Michigan. Le président élu, qui avait mis en garde contre un « trucage » des procédures de vote, avant son succès, a jugé « ridicule » l’initiative de Jill Stein, la candidate écologiste à la présidentielle.

« Le peuple s’est exprimé et cette élection est terminée », a assuré M. Trump. Il a curieusement ajouté sur son compte Twitter, sans apporter le moindre élément, que « des millions de personnes » avaient voté « illégalement », le privant du vote populaire remporté par son adversaire, la démocrate Hillary Clinton.

Puis le président élu est allé plus loin, demandant pourquoi les médias ne faisaient pas état « de fraude sérieuse en Virginie, dans le New Hampshire et en Californie. Sérieusement biaisé, gros problème ! ».

Mme Stein a officiellement soumis le 25 novembre une demande pour recompter les voix de l’élection présidentielle américaine dans le Wisconsin. La commission électorale de cet Etat a indiqué qu’elle s’y préparait. Ce nouveau décompte devra prendre fin le 13 décembre au plus tard, avant la réunion, prévue le 19 décembre, du collège électoral (les grands électeurs) issu de l’élection du 8 novembre et qui doit officiellement désigner le futur président. L’équipe de campagne de la principale perdante de la présidentielle, la démocrate Hillary Clinton, a annoncé qu’elle allait s’associer au recomptage.

Levée de fonds

La candidate écologiste, qui a lancé une souscription pour couvrir les frais de ces procédures coûteuses, a été alertée par des articles de presse et des rapports d’experts suggérant que les résultats auraient pu être truqués par un piratage des machines à voter électroniques, ou des centres serveurs des commissions électorales.

Ces études affirment ainsi que dans les circonscriptions du Wisconsin utilisant des machines à voter, l’écart entre les prévisions et les résultats est plus important que dans celles utilisant des bulletins papier. En outre, les « circonscriptions électroniques » ont enregistré 7 % de moins de voix en faveur de Hillary Clinton que les autres.

Ces études ont ravivé une thèse largement diffusée par les démocrates pendant la campagne, selon laquelle une puissance étrangère, la Russie, aurait mené diverses cyberattaques pour aider M. Trump et nuire à Mme Clinton.

D’autres experts indépendants ont cependant réfuté ces calculs, expliquant que lorsque l’on tient compte des spécificités raciales et économiques de chaque circonscription du Wisconsin, toutes ces anomalies supposées disparaissent.

Pour sa part, Jill Stein, qui a remporté moins de 1 % des voix au niveau national, a répété que son objectif n’était pas d’aider Hillary Clinton, mais plus généralement de mettre en lumière les failles et les imperfections du système électoral américain.

Cyberattaque ou incompétence ?

L’un des experts cités par les études soutenant la théorie du hacking, J. Alex Halderman, professeur d’informatique à l’université du Michigan, à Ann Arbor, reconnaît avoir été en contact avec des responsables de la campagne de Hillary Clinton. Mais il estime avoir été mal compris, car, selon lui, un piratage est hautement improbable.

Dans un texte publié sur Internet, il affirme : « Les déviations par rapport aux sondages d’opinion préélectoraux sont-elles le résultat d’une cyberattaque ? Probablement pas. Je crois que l’explication la plus plausible est que les sondages étaient systématiquement mal faits… »

Par ailleurs, il rappelle que la seule garantie contre les erreurs informatiques consiste à conserver une trace papier de chaque vote, quel que soit le système utilisé. En d’autres termes, dans les circonscriptions où aucune trace papier n’existe, la vérification d’un vote informatique par un autre système informatique ne sera jamais probante.

Parmi les trois Etats concernés, le cas du Michigan est particulier, car il est l’un des derniers, avec la Californie, à ne pas avoir encore proclamé ses résultats officiels. Au dernier décompte, Donald Trump l’a emporté avec 47,6 % des voix, contre 47,3 % pour Hillary Clinton, soit seulement 10 700 voix d’écart pour un total de près de 4,8 millions de votants (contre environ 20 000 dans le Wisconsin et 70 000 en Pennsylvanie). Les résultats définitifs doivent être validés au plus tard le 28 novembre. A noter que le nombre actuel de grands électeurs attribués à Donald Trump, 290, ne comprend pas les 16 grands électeurs du Michigan.

Trump n’a pas besoin du Michigan

Si par extraordinaire le républicain n’était pas déclaré vainqueur dans le Michigan, il conserverait ses 290 voix, suffisamment pour être élu le 19 décembre, car la majorité est de 270. S’il remporte officiellement le Michigan, il en aura 306. Il faudrait donc que sa victoire soit remise en cause également en Pennsylvanie et dans le Wisconsin pour qu’il perde sa majorité de grands électeurs.

Dans le Michigan, chaque ville choisit son système de vote : bulletins papiers dépouillés à la main à l’ancienne, bulletins scannés électroniquement, ou ordinateur à écran tactile sans papier. La secrétaire d’Etat du Michigan (un poste non partisan), Ruth Johnson, chargée de superviser les élections, a rappelé aux responsables politiques locaux qu’un recomptage minutieux avait déjà été effectué pour tous les comtés la semaine précédente, ce qui explique le retard dans la publication des résultats officiels. Pour elle, l’affaire est donc close.

Par ailleurs, le consultant politique David Forsmark, qui gère des campagnes électorales pour les candidats locaux des deux partis (dont un ancien maire démocrate de la ville de Flint), suggère qu’un recomptage supplémentaire pourrait faire perdre des voix à Mme Clinton, car, selon lui, historiquement, les erreurs de dépouillement ont été plus fréquentes dans les quartiers déshérités des centres-villes, tenus par les démocrates.