François Fillon, parle devant la presse après la clôture du vote de la primaire de la droite et du centre, à la Maison de la Chimie à Paris, dimanche 27 novembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR 'LE MONDE"

Notre journaliste Alexandre Lemarié a répondu à vos questions sur les leviers que François Fillon peut actionner au lendemain de sa très large victoire, dimanche 27 novembre, face à Alain Juppé à la primaire de la droite.

– Mathieu13 : François Fillon ne devrait-il pas « recentrer » sa campagne. Il y a en effet beaucoup de place entre lui et le futur candidat du PS, surtout s’il s’agit de Montebourg ?

Alexandre Lemarié : C’est une excellente question et le principal sujet de débat dans l’équipe Fillon. En gros, deux camps se font face en interne : ceux qui pensent que M. Fillon doit amender son projet pour rassembler plus large que les électeurs de droite.

C’est notamment l’avis de Bernard Accoyer, qui a jugé nécessaire d’« infléchir » le projet santé de M. Fillon pour le rendre plus acceptable par les électeurs. Pour ce chirurgien de profession, cette adaptation est nécessaire si le candidat Fillon veut rassembler un maximum d’électeurs pour la présidentielle : « Ce n’est pas seulement 4 millions de Français qu’il va falloir convaincre, mais 40 millions », a-t-il souligné ce matin sur Public Sénat et Sud Radio.

D’autres, comme le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, jugent au contraire que la radicalité de M. Fillon fait sa force et que le candidat a la légitimité suffisante pour imposer son logiciel. Ce matin, M. Retailleau a exclu tout assouplissement, en jugeant sur LCI que son candidat n’avait pas à « affadir son projet ». Débat à suivre…
 

– lorson : Si l’on se retrouve avec un duel Fillon-Le Pen au 2e tour, le danger n’est-il pas que la candidate FN paraissent plus à « gauche » (sic) que François Fillon ? Auquel cas il serait extrêmement difficile de mobiliser les électeurs de gauche à voter F. Fillon.

Alexandre Lemarié : C’est effectivement le principal danger pour François Fillon, si l’on se projette sur un éventuel second tour entre Marine Le Pen et lui. Avec son projet libéral, qui prévoit notamment 500 000 fonctionnaires en moins, la retraite à 65 ans, le passage à trente-neuf dans la fonction publique ou le déremboursement de nombreux soins médicaux, il peut avoir des difficultés à rassembler l’électorat populaire et défavorisé autour de sa candidature en 2017.

Le FN l’a bien compris et en fait des tonnes sur ce point précis depuis hier soir. Mais même chez LR, certains s’en inquiètent, tel Henri Guaino, qui a jugé ce matin sur Europe 1 que l’élection de François Fillon était « une très bonne nouvelle pour le Front national, parce qu’avec un programme pareil, les classes populaires et les classes moyennes, elles ne vont pas aller voter pour cette droite-là ».

– Madame Propre : Quel a été à votre avis le poids des « affaires » – en cours ou d’ores et déjà jugées selon les candidats au premier tour de la primaire – dans l’élection assez large de François Fillon ?

Alexandre Lemarié : Seule certitude : le profil honnête de M. Fillon a été un des éléments déterminants dans le choix des électeurs. L’ex-premier ministre a toujours mis en avant le fait que, lui, n’a jamais été concerné de près ou de loin par une affaire. Les électeurs semblent avoir été sensibles à ce point précis.

C’est ce que certains d’entre eux avaient dit à un de nos journalistes qui était allé à la rencontre des électeurs fillonistes à Angers. « François Fillon ne traîne pas derrière lui des casseroles comme d’autres candidats à droite. Il n’a pas de casier judiciaire, et c’est une chose qui compte dans l’honnêteté et l’intégrité de cet homme », avait notamment expliqué l’un d’eux.

– Thomas : Francois Fillon a-t-il annoncé quand il annoncerait son gouvernement commando de 15 ministres ? De mémoire, il est censé le faire avant la présidentielle.

Alexandre Lemarié : Pendant la campagne, François Fillon a promis qu’il désignerait les principaux ministres appelés à conduire les réformes juste après la primaire, soit quatre mois avant l’élection présidentielle. « C’est la condition nécessaire pour que les ministres puissent se préparer aux lourdes responsabilités qui leur seront confiées et réussissent dans leur mission », précisait celui qui a promis une équipe resserrée d’une quinzaine de membres, avec des personnalités issues de la société civile.

Théoriquement, l’annonce devrait donc bientôt être faite… Mais dans la pratique, il faudra sûrement attendre beaucoup plus longtemps pour connaître la composition du futur gouvernement de M. Fillon. Son entourage m’expliquait hier qu’en fait, le calendrier prévu est trop compliqué à tenir et que le candidat Fillon a décidé de se laisser plus de temps pour faire cette annonce. « Il le dira avant le premier tour de la présidentielle », explique-t-on désormais. Chez M. Fillon, il est donc désormais urgent de ne pas se presser…

– Babou : Bonjour, pouvez-vous nous rappeler les principaux soutiens de François Fillon dans cette campagne, et anticiper un peu en pronostiquant un possible premier ministre en cas d’élection en mai prochain ? Merci.

Alexandre Lemarié : Les principaux soutiens de François Fillon dans sa campagne pour la primaire devraient jouer un rôle clé pour celle de 2017.

Parmi eux figurent :

  • son directeur de campagne, Patrick Stefanini ;
  • les porte-parole, Jérôme Chartier et Valérie Boyer ;
  • les élus de poids comme le président du Sénat, Gérard Larcher, le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, et l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer ;
  • ainsi que les députés Serge Grouard, Isabelle Le Callennec ou Thierry Mariani ;
  • il y a aussi la maire (LR) de Taverny (Val-d’Oise), Florence Portelli, qui fait partie des valeurs montantes dans le camp Fillon.

Ensuite, concernant le poste de premier ministre, il est très difficile de répondre à cette question, car c’est prématuré d’avancer un nom crédible à l’heure actuelle. Je me garde donc d’avancer une liste de noms dès aujourd’hui.

– Roland : A-t-on des sondages récents sur ce à quoi le premier tour de la présidentielle avec Fillon pourrait ressembler ? Je n’en ai vu aucun depuis la primaire.

Alexandre Lemarié : Oui, deux sondages ont été diffusés dimanche soir, à la suite du succès de M. Fillon. L’enseignement ? Il devancerait Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle 2017 et l’emporterait largement au second face à la présidente du Front national, selon ces enquêtes réalisées par Harris Interactive et Odoxa.

– André Lagadec : Fillon a-t-il vraiment une chance de rassembler le centre derrière sa candidature ? J’imagine mal les héritiers politiques de Borloo se ranger derrière un candidat qui promet de détruire la Sécu, même si l’appel du maroquin peut sembler séduisant.

Alexandre Lemarié : C’est un des sujets sensibles, au lendemain de la victoire de M. Fillon. La clé du rassemblement des centristes porte en grande partie sur le sujet des investitures aux législatives.

Concrètement, sur les 577 circonscriptions existantes, il en reste 79 à attribuer. En effet, 473 ont été réservées à des candidats LR et 25 aux députés UDI sortants. Que fera M. Fillon ? Va-t-il attribuer l’intégralité des 79 circonscriptions disponibles aux centristes ? Et à quels centristes ? Pour l’instant, l’entourage du candidat jure ne pas avoir « encore tranché ».

Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, qui a soutenu Alain Juppé, proposera mardi à ses troupes d’engager avec lui « une discussion pour élaborer un projet législatif commun ». De son côté, Hervé Morin, président du Nouveau Centre, qui avait soutenu Bruno Le Maire, et a opté dans l’entre-deux tours pour le député de Paris, a appelé « à la construction d’un pilier centriste fiable, solide et loyal pour bâtir la majorité présidentielle de demain ».

Les discussions devraient être plus compliquées avec le président du MoDem. François Bayrou a émis dimanche soir des doutes sur le projet de M. Fillon, tout en laissant planer la possibilité de se présenter en 2017. M. Fillon, lui, a laissé la porte ouverte aux centristes, en annonçant le 23 novembre qu’il y aurait « une marge de négociations » pour les investitures aux législatives avec ceux qui adhérent à son projet. A suivre…

– Charly : François Fillon a plusieurs fois évoqué la possibilité de s’entourer de personnalités de la « société civile » peut-on s’attendre à voir des ministres non issus du milieu politique ?

Alexandre Lemarié : Oui, c’est le principe que veut suivre M. Fillon : nommer des personnalités compétentes dans un secteur précis, sans qu’elles soient forcément des politiques professionnels.

– Mik : Au final, n’y a-t-il pas un boulevard pour une candidature de centre progressiste qui serait représentée par un tandem Macron-Bayrou ?

Alexandre Lemarié : Un duo Bayrou-Macron semble totalement improbable à l’heure actuelle. Mais votre analyse est assez juste : avec son projet libéral en économie et conservateur sur le plan sociétal, M. Fillon laisse un espace sur sa gauche pour un candidat centriste, qui pourrait tenter de rassembler derrière lui un électorat modéré, rétif au projet jugé trop droitier du député de Paris.