Et si François Fillon était le meilleur candidat pour la gauche ? La boussole espérée pour une famille politique dans le brouillard ? Alors que de nombreux élus socialistes, communistes ou écologistes espéraient initialement une victoire de Nicolas Sarkozy – qu’ils jugeaient le plus clivant – à la primaire de la droite, la plupart d’entre eux se réjouissent désormais d’affronter le député de Paris à l’élection présidentielle de 2017, tant son programme leur semble à même de mobiliser leur électorat.

« Face à un candidat très libéral, durement libéral, ultralibéral, il est impossible que nous ayons en face un candidat social-libéral », a ainsi plaidé Arnaud Montebourg sur France 2 dimanche soir, persuadé qu’il doit être celui désigné pour affronter M. Fillon si la gauche veut espérer l’emporter. Donné au coude-à-coude avec François Hollande ou Manuel Valls dans les intentions de vote à la primaire à gauche, l’ancien ministre de l’économie estime qu’« il faut en face [de M. Fillon] un candidat qui soit au cœur des gauches ».

« Le projet Fillon est violent et dangereux », a insisté de son côté Benoît Hamon, interrogé sur BFM-TV. Candidat à la primaire à gauche lui aussi, le député (PS) des Yvelines « souhaite que la gauche se choisisse un candidat au projet de gauche sans équivoque (…) face à une droite assumée ». « Je défends l’égalité et la justice sociale quels que soient mes rivaux », a-t-il ajouté, manière de se poser comme une alternative au champion désigné de la droite.

« Bon client »

Même Emmanuel Macron voit dans l’élection de l’ex-premier ministre l’opportunité de rassembler « les progressistes » des deux camps, seul moyen pour lui de peser sur le premier tour de la présidentielle. « François Fillon, pour qui j’ai beaucoup d’estime (…), représente le camp conservateur de la droite [et] a une vision économique de la France des années 1960 », a indiqué M. Macron sur France 2, avant de rappeler qu’« il y a à droite des femmes et des hommes (…) qui sont des progressistes ». Sous-entendu : s’ils ne se retrouvent pas dans le programme de M. Fillon, ils sont les bienvenus chez En marche !, le mouvement qu’il a créé en avril.

De retour de Madagascar, où il assistait depuis samedi au sommet de la francophonie, François Hollande n’a pas réagi à la victoire de M. Fillon. Mais son entourage ne cachait pas y voir le trou de souris espéré depuis des mois. « Pour la gauche, la victoire de Fillon est une divine surprise, décrypte un élu proche du chef de l’Etat. Fillon a le programme le plus à droite de la droite depuis une vingtaine d’années. Il pense qu’il a une opportunité historique, avec une gauche tellement affaiblie qu’elle ne pourra pas s’opposer à son programme. Il va être un bon client pour la campagne. »

Reste à savoir si la confortable victoire de François Fillon et la légitimité acquise par la forte participation à la primaire – plus de 4,3 millions de votants – ne donnent pas au candidat de la droite une avance irrattrapable, crainte exprimée à mots couverts par certains élus. « Si, après cette mobilisation historique pour une primaire, la gauche donne le spectacle de la division et des petites combines, c’est la raclée qui nous attend », estime l’un d’eux, pas franchement rassuré par la rivalité étalée dans les médias entre les deux têtes de l’exécutif. En 2011, M. Hollande n’avait obtenu que 1,6 million de voix lors de la primaire socialiste.

Preuve d’une gauche déboussolée et cherchant la parade au bulldozer Fillon, des voix commencent à réclamer une annulation de la primaire de janvier 2017. « Le principe de la primaire, c’est de rassembler. Si aujourd’hui on a quatre candidats à l’extérieur, la question [de son annulation] se pose », a indiqué dimanche soir sur France Info Frédérique Espagnac, sénatrice (PS) des Pyrénées-Atlantiques et proche du président de la République. Une velléité immédiatement repoussée par les autres candidats. « Si Hollande se présente hors primaire, on va tout de suite en justice », indiquait dimanche soir un proche de M. Montebourg. La gauche a un ennemi commun, mais pas encore de stratégie partagée.