Claude Guéant arrive à la cour d’appel de Paris pour son procès, le 28 novembre 2016. | ALAIN JOCARD / AFP

« Je n’ai commis aucune infraction », a lancé, lundi 28 novembre, l’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, à son arrivée au palais de justice de Paris, où il doit être jugé en appel pour « complicité de détournement de fonds publics et recel ».

Pendant deux ans (2002-2004), Claude Guéant a touché des primes en espèces prélevées sur les frais d’enquête et de surveillance (FES) des policiers, alors qu’il était directeur de cabinet du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy. Les sommes qui lui étaient remises s’élevaient à une dizaine de milliers d’euros chaque mois, dont il redistribuait environ la moitié à ses collaborateurs.

Il a été condamné, vendredi 13 novembre, à deux ans de prison avec sursis, 75 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction d’exercer toute fonction publique. S’il ne nie pas l’existence de ces primes, M. Guéant en conteste toutefois l’illégalité. C’est pourquoi il a fait appel du jugement, tout comme les autres prévenus de ce dossier : Michel Gaudin, alors patron de la police nationale, et trois anciens membres du cabinet de Claude Guéant, Daniel Canepa, Michel Camux et Gérard Moisselin.

« Utiliser légitimement ces fonds »

« Nous sommes dans un état d’esprit très combatif », a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) l’avocat de Claude Guéant, Me Philippe Bouchez El Ghozi.

« A la différence de l’accusation, qui a cherché au gré du temps à trouver un texte à reprocher à Claude Guéant, la position de mon client est claire depuis le début : Il n’a fait qu’appliquer un texte datant de 1926 [réglementant les fonds d’enquête], qui n’a été supprimé par Manuel Valls qu’après le procès de première instance », a plaidé l’avocat.

« Et, ce n’est pas uniquement son opinion, c’est aussi celle de ses prédécesseurs, qui ont également considéré, en 2001, en 2000 et avant, qu’ils pouvaient utiliser légitimement ces fonds comme compléments de salaire. Donc il n’y a pas de raison qu’il en soit différemment pour Claude Guéant », a-t-il poursuivi.

« Ne plus dire autre chose »

Dès l’éclatement de l’affaire, M. Guéant a entretenu le flou entre deux choses distinctes : les « primes au mérite » et les indemnités de sujétion particulière (ISP). Les premières sont des sommes que touchaient certains policiers, et qui étaient alors prélevées sur les enveloppes FES. M. Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a mis fin à ce système dès 2003, en mettant en place un fonds de 5 millions d’euros afin d’officialiser ces primes au mérite.

Les écoutes téléphoniques montrent que ce sont ces primes qui seront mises en avant dans la défense de M. Guéant. Lors d’une conversation de juin 2013, Michel Gaudin, alors directeur général de la police nationale, lui explique : « Il faut clairement dire que c’était essentiellement pour des flics et puis que, toi, t’en as gardé un petit peu ! Tu ne peux plus maintenant dire autre chose ! »

Les indemnités de sujétion particulière (ISP) sont, elles, accordées aux membres des cabinets ministériels pour compléter leur rémunération et compenser leur lourde charge horaire. Elles sont officielles depuis 2002, et viennent remplacer les anciennes primes, versées en liquide sur des fonds spéciaux jusqu’à la fin des années 1990. Là encore, M. Guéant a défendu à un moment le fait que les primes en liquide qu’il percevait étaient une compensation de la fin des primes sur fonds spéciaux, mais à tort : depuis 2002, celles-ci ont été compensées par les ISP, désormais officielles.

En première instance, le tribunal correctionnel a condamné Michel Gaudin à dix mois avec sursis, Michel Camux et Daniel Canepa à huit mois avec sursis et respectivement 40 000 et 30 000 euros d’amende. Gérard Moisselin a, lui, écopé de six mois avec sursis et 20 000 euros d’amende. Les prévenus ont, en outre, été condamnés solidairement à rembourser l’Etat de l’argent indûment perçu.