« Final Fantasy XV ». | Square Enix

Les jeux de rôle japonais nous ont habitués à des princesses à sauver, des familles à venger, des méchants à punir. Rien ne nous avait préparés à quelque chose de la sorte, si ce n’est son développement presque interminable, étalé sur une décennie. Le début de Final Fantasy XV (FFXV) ne ressemble à rien d’autre. Il mélange royauté, droit divin et les nouilles déshydratées qu’on mange en randonnée. C’est très souvent un capharnaüm drôle et irritant à la fois, qu’on ne peut s’empêcher d’aimer, même quand il fait n’importe quoi. On sait qu’il y aura un après FFXV.

Le point de départ de ce tout dernier Final Fantasy, quinzième du nom, est tellement simple. Une bande de quatre potes en balade à bord d’une décapotable. Puis soudain, les ennuis s’enchaînent à l’occasion d’une panne au milieu de rien. L’un des jeunes gaillards, Noctis, prince promis à un mariage arrangé, voit son royaume détruit en son absence et son père assassiné. Alors le voyage se transforme en périple initiatique où l’on finit par invoquer les dieux, affronter des démons et collectionner les grenouilles.

Camping et flageolets

Kingsglaive Final Fantasy XV - Official Trailer
Durée : 02:14

A la fois réaliste et très second degré, c’est la première fois qu’un Final Fantasy essaye de s’ouvrir autant au public d’aujourd’hui. Il mélange à la fois une sensation de pur « monde ouvert », très occidental dans l’esprit, et la mécanique de combat d’un jeu de rôle japonais. Les premières heures sont un vrai plaisir panthéiste, les cheveux au vent, à tenter de comprendre pourquoi ces gars sont là et ce qu’ils font.

On les occupe, ils remplissent des missions, se passent la musique des épisodes précédents dans l’autoradio. On campe, l’un fait la cuisine, l’autre s’adonne à la pêche tandis que le plus jeune mitraille avec son appareil photo. C’est aussi la première fois qu’un épisode canonique de la série s’aventure aussi loin dans l’exploration et surtout l’action. L’attaque est automatisée sur un bouton, l’esquive et le timing sont désormais autant de facteurs avec lesquels il faut composer pour survivre aux bêtes féroces et aux troupes de l’empire à votre poursuite. Il y a quelque chose d’euphorisant à incarner cette bande qui s’aventure dans un champ, sur un volcan, ou – véridique – part à la recherche d’un camion de flageolets perdu sur la route. Quand il se contente de nous raconter les crapahutages dans la nature des quatre amis, FFXV est une expérience vraiment réussie.

Annoncé depuis plus de dix ans – le projet s’appelait initialement Final Fantasy Versus XIII – et en gestation réelle depuis cinq ans, FFXV l’a échappé belle. Ce long développement se voit à chaque recoin de la région, finalement assez petite, que l’on explore, d’abord dans sa voiture, puis à dos de Chocobo. On se rend peu à peu compte que le jeu est assemblé de bric et de broc, parfois sans cohérence avec son propre monde.

Le Joker à la sauce japanime

S’il a fallu dix ans pour qu’il arrive jusqu’à nos consoles, il ne faut guère plus qu’une quinzaine d’heures pour que l’histoire linéaire reprenne le dessus. Difficile de faire plus incohérent que le scénario de FFXV, sans parler de la fumeuse motivation du grand méchant. L’ennemi juré du prince est une sorte de croisement entre le Joker et Patrick Sébastien à la sauce japonaise. A la limite de la citation de la série des Arkham, il hante les héros et commente leurs avancées jusqu’à l’épilogue.

« Eureka », dit Ignis, l’intello aux lunettes en ramassant un morceau de crabe géant ennemi gisant devant lui : « J’ai une idée pour une nouvelle recette ». C’est un exemple d’une des étranges répliques de ce Final Fantasy, entièrement doublé en français pour la première fois. La qualité est au rendez-vous, les personnages sont vivants et les moments les plus banals trouvent parfois une dimension drôle ou farfelue. La version française d’un jeu japonais n’a jamais été aussi soignée. Sa plus grande réussite, c’est de nous rendre sympathique ces quatre mecs à la dégaine un peu taciturne.

Le problème principal se voit dès le début : « Pour les fans et les nouveaux venus », dit fièrement l’accroche qui s’affiche à l’allumage de Final Fantasy XV. Au contraire, ce n’est clairement pas un jeu pour les nouveaux arrivants, mais cette phrase trahit l’envie de contenter tout le monde à tout prix.

Même raturé, recouvert de Tipp-Ex et recollé avec du Scotch, FFXV a un côté hypnotisant. Bien sûr, il y a les combats et le plaisir sédatif d’enchaîner des quêtes vides de sens en attendant de se remettre en route pour reconquérir le royaume. Final Fantasy XV est aussi un objet enthousiasmant. Son existence même en fait un sujet d’étude, parfois énervant et souvent contradictoire. C’est dans ses moments les plus simples que Final Fantasy XV est le plus réjouissant, quand quatre potes décident de se faire griller des saucisses autour d’un feu de camp.

En bref

On a aimé :

  • La randonnée et le camping, un jeu de « bromance »
  • Un système de combat péchu et original
  • Le début de l’aventure
  • Les musiques géniales
  • La joie de voir enfin Final Fantasy XV
  • Le doublage multi-langues

On a moins aimé :

  • Le jeu qui s’effondre dans sa deuxième partie, complètement bâclée
  • Des trous dans le scénario qui prend l’eau
  • Une fin loupée
  • Pas de personnages féminins forts

C’est plutôt pour vous si :

  • Vous êtes en manque de Final Fantasy
  • Vous n’êtes pas parti en trek cet hiver
  • Vous vous intéressez à l’histoire des jeux vidéo, comment on les fait

C’est moins pour vous si :

  • Vous ne supportez pas les histoires mal racontées
  • Les jeux de rôle linéaires, ce n’est pas votre truc
  • Les mondes ouverts, ce n’est pas votre truc non plus

La note de Pixels :

Versus XIII/20