Le physicien Etienne Klein, en novembre 2014. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Il ne faut pas travailler plus vite que la lumière. C’est la leçon cuisante qu’a reçue le physicien Etienne Klein après la parution mardi 29 novembre d’un article de L’Express l’accusant de plagiat. Celui dont la devise préférée est : « Tout finira par s’arranger, même mal », a immédiatement reconnu les emprunts mis en évidence par le journaliste Jérôme Dupuis.

Professeur à l’Ecole centrale à Paris, directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique, président de l’Ihest (Institut des Hautes Etudes pour la science et la technologie) depuis septembre 2016, Etienne Klein est aussi une figure de la vulgarisation scientifique. Producteur d’une émission sur France Culture, ancien chroniqueur à La Croix, il a signé une trentaine de livres sur la science et l’histoire des sciences, en particulier sur la révolution de la physique quantique au début du XXe siècle.

Depuis vingt ans, il mène à bien, à travers ses ouvrages et ses interventions publiques, le projet qui est le sien : montrer que la science n’est pas séparée de la vie. Dans son dernier livre, Le pays qu’habitait Albert Einstein, paru cet automne chez Actes Sud, il se rend, à vélo, dans les lieux de Suisse où Albert Einstein a séjourné. Cette promenade personnelle sur les traces d’un homme qui eut si peu d’ancrages correspond bien à Etienne Klein : il aime par-dessus tous les paradoxes – ses livres regorgent de ceux dont la vie et la physique sont fertiles.

Aragon, Zola, Zweig…

Cette fois, c’est à l’évidence toute crue qu’il est confronté : dans son dernier ouvrage, Etienne Klein a recopié, sans guillemets, des formules appartenant, entre autres, à Gaston Bachelard, Louis Aragon, Emile Zola ou Stefan Zweig. « L’étonnement, ce n’est pas que les choses soient : c’est qu’elles soient telles et non telles autres » est par exemple une stricte reprise de Paul Valéry, l’un de ses auteurs préférés. « J’ai pris beaucoup de notes de lecture et, en les intégrant à l’ouvrage, j’ai pu oublier qu’elles provenaient d’autres auteurs et croire qu’elles étaient de moi. C’est ce qui a pu se passer pour les emprunts à Bachelard, par exemple », a répondu l’intéressé à L’Express. Dans la même situation, d’autres ont invoqué « l’intertexualité » (les correspondances qui relient involontairement un texte à un autre) pour justifier l’injustifiable. Etienne Klein, visiblement contrit, explique qu’il a voulu répondre à la demande de son éditeur qui exigeait un ouvrage littéraire : « C’est peut-être pour cela que j’ai intégré un passage d’Aragon sans le citer. C’était une erreur. »

Mais tous les emprunts repérés par L’Express n’appartiennent pas au patrimoine littéraire. Certains auteurs contemporains voient des paragraphes ou des images leur être volés. C’est le cas du théologien François Cassingena-Trévedy ou de l’écrivain Philippe Claudel. L’article de L’Express évoque aussi un « gigantesque copier-coller » dans une chronique donnée à La Croix. « Je plaide coupable pour certains copier-coller dans mes chroniques, notamment celles données à La Croix au printemps 2016, répond le physicien. J’aurais dû citer mes sources ou réécrire les extraits empruntés à d’autres. »

Etienne Klein poursuit en avouant être « allé un peu vite en besogne », pressé par le temps : « Il faut que j’apprenne à faire moins de choses. » Le plagiat serait, à bien le lire, la rançon du succès – une justification bien sûr un peu… paradoxale.