Le secrétaire d’Etat aux migrations, Theo Francken (N-VA), le 18 novembre 2016. Ce responsable a estimé, vendredi 25 novembre, que seules « des questions pratiques » empêchaient des alliances entre son parti et le Vlaams Belang | EMMANUEL DUNAND / AFP

Le « cordon sanitaire » établi, depuis 1992, entre les partis démocratiques belges et l’extrême droite pourrait céder. C’est du moins ce que préconise Théo Francken, secrétaire d’Etat aux migrations, un « dur » de l’Alliance néoflamande (N-VA), le parti nationaliste devenu dominant en Flandre. Brisant un tabou, ce responsable a estimé, vendredi 25 novembre, que seules « des questions pratiques » empêchaient des alliances entre son parti et le Vlaams Belang (VB, Intérêt flamand), une formation née en 1978 sous le nom de Vlaams Blok. En 1991, ce parti regroupant des ultra-conservateurs, des séparatistes et des nationalistes nostalgiques de l’occupation allemande avait fait irruption sur la scène électorale, enlevant 18 sièges sur 150 à la Chambre des députés et 36 dans les conseils provinciaux de Flandre. Un peu plus tard, il était près de conquérir la mairie d’Anvers, la première ville flamande.

Depuis 1992, toutes les formations ont refusé une alliance avec lui mais son programme, xénophobe, anti-islam et anti-francophone, a essaimé et le Vlaams Belang s’est progressivement imposé comme un interlocuteur presque habituel pour les médias du nord de la Belgique. Ses performances électorales se sont toutefois érodées à la faveur de la montée en puissance de la N-VA, qui a siphonné son vivier : le VB ne compte plus que 3 sièges de députés fédéraux, pour 33 à sa rivale. Et, dans son fief historique d’Anvers, il possède seulement 5 sièges de conseillers (sur 55), pour 23 à la N-VA du maire de la ville, Bart De Wever.

Avertissement

Pourquoi l’un des principaux dirigeants de ce parti relance-t-il, dès lors, l’hypothèse d’une alliance avec l’extrême droite ? Parce que la position des nationalistes démocrates est devenue moins stable : leur participation au pouvoir fédéral – la première du genre – ne convainc pas une partie de leur électorat, déçue de leurs orientations libérales conservatrices. La N-VA a, par ailleurs, été obligée de renoncer provisoirement à son programme institutionnel, ce qui fait le jeu du VB, qui prône l’indépendance rapide de la Flandre.

Un autre élément joue : le parti chrétien-démocrate (CD & V), allié à M. De Wever tant au niveau fédéral que régional et local, vient de désigner l’un de ses principaux dirigeants comme tête de liste à Anvers lors des élections municipales de 2018. Le vice-premier ministre et ministre de l’économie, Kris Peeters, longtemps l’homme le plus populaire de Flandre, y débarque avec l’ambition affichée de contester le pouvoir de M. De Wever et, si possible, de le renverser au profit d’une coalition avec les socialistes et les écologistes. Un pari audacieux car le CD & V ne compte que 5 sièges dans la grande ville flamande.

Le propos de M. Francken – « Si nous pouvons former une majorité avec le VB dans une grande ville, il faudra se pencher sur la question » – résonne donc comme un avertissement. Il sous-entend que la N-VA pourrait s’allier avec l’extrême droite à Anvers et, peut-être, au niveau régional. Avant, ensuite, de relancer la revendication indépendantiste ? C’est le dangereux scénario que les partis francophones redoutent.

Une partie de la N-VA pas convaincue

Filip Dewinter, figure historique du Vlaams Belang et rival de M. De Wever à Anvers a, en tout cas, immédiatement compris tout le profit que l’extrême droite pouvait retirer des propos de M. Francken. Contesté pour avoir rencontré récemment des dirigeants du parti néonazi Aube dorée, en Grèce, cet ancien cogneur qui dénonçait naguère le risque de voir la Flandre transformée en « bordel public ouvert à tous les étrangers » a proposé de s’effacer pour permettre une alliance entre la droite et l’extrême droite.

Une proposition qui n’a toutefois pas convaincu une partie de la N-VA. Geert Bourgeois, le président de la région, est hostile à un rapprochement avec le VB. Et Peter De Roover, chef de file du parti au Parlement fédéral, a estimé que la « culture » de l’extrême droite la rendait toujours infréquentable. Cet élu s’était toutefois prononcé antérieurement pour la rupture du « cordon sanitaire ».

Tirant les leçons du succès de ses semblables en Autriche, en France et aux Pays-Bas, Tom Van Grieken, 31 ans, élu il y a deux ans président du Vlaams Belang, prône, lui, un « recentrage » de son parti. Délaissant le fonds de commerce de l’ultranationaliste, il veut développer les thèmes populistes qui pourraient, à ses yeux, sceller le rapprochement auquel certains dirigeants de la droite conservatrice flamande œuvrent, en réalité, depuis de nombreuses années.