La Seine en crue à Paris, en juin 2016. | CM / Clément Martin

Toujours plus violentes, mais moins meurtrières. La France n’en a pas fini avec les inondations, comme vient de le montrer l’épisode de pluies torrentielles et de crues impressionnantes en Corse, jeudi 24 novembre. Les dégâts devraient se facturer en millions d’euros, 64 communes ayant été touchées à des degrés divers par les débordements du Golo principalement, dans le nord de l’île, autour de Bastia et dans le Cap corse. Voiries dévastées, pont coupé, maisons effondrées, zones commerciales ruinées… Mais aucune victime n’est à déplorer, peuvent s’enorgueillir les autorités.

Les épisodes météorologiques méditerranéens – la saison dite « cévenole » devant toucher à sa fin avec le refroidissement de la Méditerranée, qui limite les phénomènes d’évaporation à l’origine des précipitations qui s’abattent ensuite sur le relief – n’ont tué personne au 31 novembre. Au contraire des années précédentes : une vingtaine de morts en octobre 2015 dans les seules Alpes-Maritimes, 28 à l’automne 2014… Le ministère de l’environnement rappelle qu’entre 1982 et 2010, les inondations ont fait plus de 200 victimes et généré plus de 20 milliards d’euros de dommages.

En 2016 donc, si les épisodes cévenols n’ont pas tué, les inondations du printemps ont causé la mort de cinq personnes et des dégâts considérables, estimés à plus d’1 milliard d’euros. Avec 17 millions de Français vivant dans des zones potentiellement inondables, 19 000 communes concernées et un emploi sur trois exposé, le pays est particulièrement confronté au risque. « C’est dire l’enjeu de faire en sorte que les territoires concernés renforcent leur résilience, c’est-à-dire leur capacité à faire face à une inondation, puis à [retourner] à la normale le plus vite possible », a déclaré la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, lundi 28 novembre, en présentant la politique gouvernementale en la matière.

Plus fréquents et plus intenses

A l’occasion des rencontres nationales des territoires couverts par les programmes d’action de prévention des inondations (PAPI), ce même jour, la ministre a insisté sur la nécessité de « cette mobilisation (…) car, avec le changement climatique, ces événements exceptionnels seront de plus en plus fréquents et d’intensité plus forte ».

Les dernières années ont vu fleurir de nombreux dispositifs, au risque de se perdre dans les méandres administratifs des différents outils : 127 territoires sont couverts par des PAPI (le premier a été lancé en juin 2003), pour un montant total des projets de 1,5 milliard d’euros (dont 623 millions de participation de l’Etat), et 122 territoires à risque disposent de « stratégies locales de gestion du risque inondations ». Auxquels s’ajoutent treize plans de gestion des risques d’inondation (PGRI).

Ségolène Royal a aussi évoqué « l’optimisation du réseau de surveillance Vigicrues », avec 2 millions d’euros supplémentaires, ou encore les 700 collèges de l’arc méditerranéen formés tout spécialement à la culture du risque. Fin septembre, un deuxième volet du Grand prix d’aménagement en zone constructible inondable a été lancé, les candidatures devant se déclarer avant le 6 janvier 2017. « On ne peut pas rendre tout le territoire inconstructible, il faut pouvoir construire en zone inondable, et développer une véritable culture du risque », estime Ségolène Royal.

Troisième génération de PAPI

Une nouvelle génération de PAPI, la troisième, est en préparation. Soumis à la consultation du public jusqu’au 4 décembre, le nouveau cahier des charges de ces programmes devrait être opérationnel au 1er janvier 2018. « Nous devons être plus exigeants sur ces programmes, nombre d’entre eux n’arrivent pas leur terme, il faudra trouver de nouveaux financements car il devrait y avoir de plus en plus de PAPI », a expliqué, lundi au ministère de l’environnement, Daniel Marcovitch, le coprésident de la Commission mixte inondation, qui réunit, sous la houlette du ministère de l’environnement, des représentants des associations, du monde agricole, de l’Etat, des collectivités territoriales et des experts.

Selon cet ancien député socialiste de Paris, l’investissement que nécessitent ces programmes est indispensable. « Le coût total des 127 PAPI représente 1,5 milliard d’euros au niveau national, alors que les seules inondations du printemps dépassent le milliard d’euros, détaille-t-il. Avec des sommes bien inférieures, on aurait réussi à limiter les impacts, à les éviter même jusqu’à un certain niveau. »

En Corse, aucun PAPI n’existait. La région a pourtant connu plusieurs épisodes majeurs. « Nous avons vécu des crues très importantes en novembre 2014, en mars puis en octobre 2015, mais novembre 2016 est le premier épisode de niveau rouge, avec la conjonction de vents forts, des précipitations élevées et des pluies torrentielles sur des rivières de montagne », rappelle le préfet de Haute-Corse, Alain Thirion.

Des comportements individuels difficiles à maîtriser

Avec la répétition de ces phénomènes et leurs conséquences pour les habitants, beaucoup se plaignent que rien n’ait été entrepris. Le préfet, lui, souligne les chantiers lancés depuis l’automne 2015 : une digue à Lucciana, des ouvrages publics renforcés, et, surtout, le déclenchement de deux PAPI, sur la vallée du Golo et en aval au niveau de la communauté de communes de Marana Golo. « Il faut compter entre un an et dix-huit mois pour que ces programmes aboutissent, et les gens attendent que l’on réponde à leurs réalités immédiates, analyse Alain Thirion. Mais ni les préventions, ni les précautions n’empêcheront les phénomènes extrêmes d’intempéries. »

Tout n’est pas prévisible. « Au-delà de la mobilisation efficace des services de l’Etat et des collectivités, qui a permis d’éviter des drames, il faut rester prudent, car nous sommes dépendants de comportements individuels, un élément difficile à maîtriser », rappelle Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques.