Le revolver, un modèle Lefaucheux de calibre 7 millimètres, avec lequel Verlaine tenta de tuer Rimbaud en juillet 1873 à Bruxelles. | THOMAS SAMSON / AFP

Un six coups pour un incident célèbre. Le revolver avec lequel Paul Verlaine tenta de tuer Arthur Rimbaud, en juillet 1873 à Bruxelles, est mis en vente aux enchères, mercredi soir 30 novembre, chez Christie’s, à Paris. L’arme, un Lefaucheux à la crosse de bois, de calibre 7 millimètres, que Verlaine avait acheté le matin même de l’incident, est estimé entre 50 000 et 60 000 euros.

10 juillet 1873, 14 heures, dans une chambre d’un hôtel de la rue des Brasseurs, à Bruxelles. Deux coups de feu claquent. Verlaine, alors âgé de 29 ans, vient de tirer sur Rimbaud, de dix ans son cadet. Une balle blesse le jeune homme au-dessus de l’articulation du poignet. L’autre va se loger dans le plancher. Le coup de feu le plus célèbre de la littérature française met ainsi fin à une querelle qui, heureusement, aura fait couler plus d’encre que de sang.

La brouille entre les deux hommes avait commencé à Londres en mai 1873. Le torchon brûle entre les deux amants. Verlaine a envie de renouer avec sa femme, Mathilde, épousée en 1870, un an avant sa rencontre avec l’auteur du Bateau ivre. Après une énième dispute, il plaque son jeune amant et part pour Bruxelles. Rimbaud le rejoint. Verlaine a des envies de suicide, Rimbaud parle de s’engager dans l’armée. Ils s’enivrent, pleurent, connaissent le désespoir des amours qui s’achèvent. Avant de lui tirer dessus, Rimbaud raconte que Verlaine lui aurait dit : « Voilà pour toi puisque tu pars ! »

« Expertises concluantes »

Verlaine est condamné à deux ans de réclusion à la prison de Mons. Derrière les barreaux (où il sera détenu 555 jours), Verlaine écrira les trente-deux poèmes de Cellulairement, qu’il dispersera dans les recueils Sagesse, Jadis et naguère, Parallèlement ou Invectives. Rimbaud, rentré chez sa mère, se met à l’écriture d’Une saison en enfer. Verlaine et Rimbaud se reverront brièvement une dernière fois après la libération du premier, en février 1875, à Stuttgart, où Rimbaud remet à son ami le manuscrit des Illuminations.

Confisqué par la police, le revolver, d’un modèle très courant à l’époque (Lefaucheux est alors une marque célèbre), sera rendu à l’armurerie Montigny avant d’être cédé en 1981, au moment de la fermeture de ce magasin, à son actuel propriétaire, un huissier de justice belge, amateur d’armes à feu, nommé Jacques Ruth. C’est en voyant au début des années 2000 le film sur les amours entre Rimbaud et Verlaine, Totale Eclipse, avec Leonardo DiCaprio interprétant Rimbaud, que Jacques Ruth se rend compte qu’il possède un trésor. Il contacte un conservateur de la Bibliothèque royale de Belgique, Bernard Bousmanne, commissaire d’une exposition consacrée à Rimbaud en 2004 à Bruxelles. « J’ai cru à une plaisanterie. Mais tous les éléments correspondaient, le modèle, la date et le lieu de fabrication. Nous avons même demandé des expertises balistiques à l’Ecole royale militaire de Bruxelles. Elles ont été concluantes », assure Bernard Bousmanne aux médias belges, même si de récents témoignages mettent en doute l’authenticité de l’arme.

La ville natale de Rimbaud, Charleville-Mézières, a néanmoins lancé une souscription publique pour acquérir le revolver et enrichir la collection du musée consacré au poète.