Le président Yahya Jammeh dans un bureau de vote à Banjul, le 1er décembre 2016. | MARCO LONGARI / AFP

Sans Internet, sans communication téléphonique internationale et sans suspense, les Gambiens votent ce jeudi 1er décembre pour une élection présidentielle dont le sortant, Yahya Jammeh, apparait comme le grandissime favori. Arrivé au pouvoir en 1994, suite à un coup d’état, le fantasque autocrate qui entre emprisonnement des opposants, promesse de guerrir les malades du Sida et déclarations fracassantes contre le monde entier n’a pas caché ses ambitions à la sortie de son bureau de vote. « Par la grâce de Dieu Tout-Puissant, ce sera le plus grand raz-de-marée de l’histoire de mes élections dans ce pays », a-t-il lancé dans son éternel boubou immaculé, les yeux cachés par des lunettes noires, et les mains occupées par un Coran et un sceptre.

Vote par bille

Depuis la veille au soir du vote, peu après 20 heures locales, le réseau internet est coupé, comme les appels internationaux et SMS de et vers la Gambie, seules les communications à l’intérieur du pays fonctionnent encore.

Le fantasque président gambien Yahya Jammeh brigue un cinquième mandat
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A Banjul, la capitale, de longues files d’électeurs - incluant des membres des forces de défense en uniforme - étaient visibles devant les bureaux de vote, qui doivent fermer à 17 heures. Les premiers résultats sont attendus dans la nuit de jeudi à vendredi. Le vote s’effectue selon un système unique au monde, au moyen d’une bille à déposer dans un des trois bidons de couleurs différentes : le vert pour Jammeh, le gris pour Barrow et le violet pour Kandeh.

Adama Barrow, un patron d’agence immobilière auparavant inconnu du grand public, choisi par une large coalition de l’opposition et ayant attiré des foules pour ses rassemblements et Mama Kandeh, ancien député du parti au pouvoir, sont les deux candidats de l’opposition. Joint par l’AFP peu avant d’aller voter, M. Barrow s’est dit sûr de sa victoire: « C’est très clair, c’est écrit que je vais gagner! » et a fustigé la coupure d’Internet. « Les Gambiens doivent savoir ce qui se passe, les médias sociaux sont très importants pour cette élection », a-t-il dit.

Préparation du scrutin dans un bureau de vote. En Gambie, on vote au moyen d’une bille à déposer dans des bidons de couleurs différentes, un par candidat. | MARCO LONGARI / AFP

Jammeh ne tolèrera aucune contestation des résultats

Parmi les votants, un homme d’affaires, Sulayman Jallow, s’est dit impatient d’une alternance, après 22 ans de pouvoir sans concession de Yahya Jammeh. « Cela fait trop longtemps », a-t-il affirmé, ajoutant: « Nous avons été marginalisés, persécutés et torturés ».
« Notre président est un type travailleur, un homme bien, il aime tout le monde », a au contraire estimé Modou Job, 36 ans, peintre en bâtiment. Résumant la crainte de violences de nombreux Gambiens, Kaddy Kanu, 30 ans, a affirmé que « l’important, c’est que ce soit une élection pacifique. Nous voulons simplement voter dans le calme et rentrer à la maison ».

M. Jammeh, qui brigue un cinquième mandat, a prévenu qu’il ne tolérerait aucune contestation électorale par des manifestations, assurant qu’aucune fraude n’était possible.
Malgré la répression, la parole se libère depuis des manifestations organisées en avril pour réclamer des réformes politiques, puis pour protester contre la mort en détention d’un opposant, et la condamnation en juillet à trois ans de prison ferme d’une trentaine de participants à ces rassemblements, dont le chef de l’opposition, Ousainou Darboe.
Adama Barrow s’est engagé à respecter scrupuleusement le mémorandum adopté par l’opposition, qui prévoit la mise en place d’un gouvernement de transition pendant trois ans.
En dépit des accusations des ONG et de plusieurs chancelleries qui dénoncent des disparitions forcées et le harcèlement de la presse et des défenseurs des droits de l’homme sous son régime, de nombreux Gambiens portent au crédit de leur chef de l’Etat la stabilité du pays et certains progrès, notamment en matière d’éducation et de santé. Mais de très nombreux autres fuient la pauvreté et la répression. Ils seraient 500 000 qui vivent en Italie pour une population estimée à moins de 2 millions de personnes.