Jouer sur scène dès ses années de formation évite de se trouver dépourvu à la sortie de l’école. | Ludo/Creative Commons

Son diplôme national supérieur professionnel de comédien, ­Robin Goupil ne le décrochera pas avant l’été 2017. Pourtant, ce jeune artiste de 28 ans, passé par une école de management avant de se consacrer à sa passion, fait déjà partie du ­circuit culturel parisien. Entre 2014 et 2016, « j’ai dû jouer un peu plus de 150 fois ­devant un public », calcule-t-il. En 2015, on pouvait par exemple le voir au ­Théâtre La Pépinière, dans l’énergique mise en scène du Marie Tudor de Victor Hugo proposée par Philippe Calvario, avec Cristiana Reali dans le rôle­ titre. Aujourd’hui, le voilà qui répète une pièce de Bertolt Brecht au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).

Si Robin Goupil peut ainsi jongler entre cours et représentations, c’est parce qu’il étudie dans un établissement au statut un peu particulier, l’Ecole supérieure de comédiens par l’alternance (Esca). Intégrée au Studio-théâtre ­d’Asnières, dans les Hauts-de-Seine, la formation offre à une quarantaine de jeunes le statut d’apprenti.

Pendant trois ans, les élèves sont en contrat avec la compagnie associée à la structure. Ils peuvent ainsi participer à certaines de ses créations, ou jouer avec d’autres troupes, grâce à des conventions de mise à disposition. Mais attention, même s’ils ont réussi à se démarquer parmi 300 candidats lors du concours d’entrée, l’embauche ne leur est pas livrée sur un plateau. Pour que le contrat se déclenche, il faut qu’ils dénichent d’abord par eux-mêmes un engagement de deux mois.

Pas évident, confirme Chloé Lorphelin : « L’année dernière, les auditions étaient assez rares. » Mais l’école donne accès à un vaste réseau : « On nous informe des projets en préparation et, dans la formation, beaucoup de sessions sont animées par des professionnels qui sont eux-mêmes en repérage », explique la jeune Normande de 23 ans, aujourd’hui à l’affiche des Femmes savantes, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris. « D’emblée, avec ce système de conventions, on diversifie son travail et on entre dans une démarche professionnelle. »

Sortie de l’Esca en 2016, Elisa Habibi, 27 ans, juge qu’elle a « appris comment fonctionnait le système, tout en étant protégée d’un point de vue juridique ». De plus, la rémunération, de 53 % à 78 % du smic selon l’année de formation, garantit aux étudiants un minimum d’indépendance. Question travail, en revanche, pas question de s’économiser : « Entre les cours du matin, les répétitions de l’après-midi et les représentations le soir, les journées sont longues. J’ai des cernes que je n’avais pas il y a trois ans », s’amuse l’interprète d’Estella dans l’adaptation des Grandes Espérances, de Dickens, dirigée par Marjorie Nakache.

En contrepartie, ce tourbillon enclenche un cercle vertueux qui évite de se trouver dépourvu à la sortie de l’école. Tout juste diplômé, Augustin Passard a ainsi participé à des tournages pour le cinéma et joue dans une pièce de Marivaux présentée à la Cartoucherie jusqu’à Noël. « C’est comme si on affûtait ses armes pendant trois ans. Quand on me sollicite, je sais exactement ce qu’on attend de moi », note le jeune acteur de 25 ans. Passé par le Cours Florent, il a apprécié d’avoir pu expérimenter la vie de troupe au Studio-théâtre d’Asnières. « Cela permet un vrai partage d’expériences. Dans une formation classique, on se focalise sur la scène qu’on doit jouer devant la classe. A l’Esca, on apprend à avancer ensemble. » Un bagage précieux quoi qu’il arrive.

Un dossier spécial et un Salon étudiant pour choisir sa formation artistique

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