François Fillon à Chantenay-Villedieu (Sarthe) le 1er décembre. | JEAN CLAUDE COUTAUSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Retour aux sources… et aux fondamentaux. Quatre jours après sa victoire à la primaire de la droite, François Fillon a effectué son premier déplacement de campagne pour la présidentielle dans son fief de la Sarthe, jeudi 1er décembre, en réaffirmant les principaux axes de sa campagne. Comme s’il voulait donner des gages à ses électeurs, en montrant qu’il n’avait pas oublié les ingrédients qui ont fait son succès face à Nicolas Sarkozy et Alain Juppé : son ancrage rural et sa capacité à répondre aux attentes des habitants des campagnes ; sa ligne libérale en économie ; sa posture gaulliste, au-delà des enjeux partisans.

L’homme qui est arrivé vers 11 heures à la mairie de Chantenay-Villedieu, entouré d’une nuée de journalistes, était en terrain connu : c’est ici que François Fillon a démarré sa première campagne électorale. Le jeune assistant parlementaire avait alors 27 ans et se démenait dans l’optique des législatives de 1981, qui lui ont permis de s’ancrer politiquement dans la Sarthe. Trente-cinq ans plus tard, l’enfant du pays est venu se ressourcer auprès des siens dans ce village de 874 habitants, célèbre pour sa fête des rillettes organisée chaque été. Ici, l’ex-premier ministre a totalisé des scores « dignes de Cuba » – selon ses termes – au second tour de la primaire : 95 % dans le bureau le plus proche, 87,25 % dans la Sarthe…

Image de proximité

Après trois jours de tractations pour déterminer la composition de la direction de LR et celle de son équipe de campagne, qui sera annoncée à partir du 12 décembre, M. Fillon a voulu dégager une image de proximité, à l’écoute des Français. « Ce déplacement était l‘occasion de fermer la parenthèse de ces trois derniers jours, où j’étais enfermé dans le microcosme », a-t-il reconnu, avant de promettre de consacrer son énergie à « aller à la rencontre des Français » d’ici le premier tour de la présidentielle. Ce qui ne l’a pas empêché de glisser que « le rassemblement est possible » avec François Bayrou…

Le candidat, qui s’est souvent comparé à un paysan qui creuse son sillon pendant la primaire, s’est posé en défenseur des campagnes en vantant en même temps ses recettes libérales : « Cette commune, où des agriculteurs connaissent des difficultés alors qu’ils travaillent 70 heures par semaine, c’est le symbole d’une France rurale, qui souffre en silence et a besoin d’être soutenue et libérée des contraintes et des normes qui pèsent sur elle. » Pour renvoyer cette image de candidat du terroir, il avait pris soin d’enlever la cravate qu’il porte traditionnellement, en lui préférant un simple col roulé. Après avoir serré quelques mains dans le bourg du village, où il a fait la tournée des commerçants, il s’est mis en scène devant un élevage de poulets et de cochons dans une ferme du coin. Pour le plus grand bonheur des cameramen et photographes présents.

Son objectif : asseoir son socle électoral auprès des populations rurales, qui l’ont choisi en masse lors de la primaire. Avec l’espoir de les dissuader de passer au FN. Alors que sa capacité à capter le vote de l’électorat populaire – tenté par le parti frontiste – pose question, M. Fillon a indiqué qu’il était « très important » pour lui « de réussir à convaincre les Français qui peuvent être désespérés, qui peuvent être tentés par ce vote extrémiste, de venir voter pour un candidat qui ne fait aucune démagogie, qui est exactement le contraire des populistes ».

François Fillon à Chantenay-Villedieu (Sarthe) le 1er décembre. | JEAN CLAUDE COUTAUSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Accusé de vouloir fragiliser les services publics, avec sa proposition visant à supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, M. Fillon a aussi jugé « prioritaire » d’« amener le très haut débit dans les zones rurales pour créer de nouveau services publics en utilisant le numérique ». Une tentative de rassurer ceux qui s’inquiètent de la « casse sociale », que pourrait causer son élection.

Devant des élus qui se plaignaient des baisses de dotations aux collectivités locales, il a aussi jugé nécessaire d’« investir » dans de nouvelles infrastructures de transport (canaux, lignes de chemin de fer) pour relancer « le dynamisme de l’économie rurale, en particulier de l’agriculture ».

Et pour « investir » alors que l’Etat « n’a pas d’argent », l’ex-premier ministre a un plan en tête : il veut « reprendre les privatisations, ». « Que l’Etat sorte du capital des entreprises du secteur commercial où il n’est pas absolument nécessaire », a-t-il préconisé, en citant le cas de Renault, où l’État détient 19,7 % des parts. « La liberté est le fil directeur de ma campagne », a-t-il souligné, en montrant qu’il n’avait pas l’intention d’affadir l’aspect libéral de son projet malgré les attaques de ses adversaires pour 2017.

François Fillon lors de  sa première sortie de campagne à Chantenay-Villedieu (Sarthe) le1er décembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

M. Fillon a d’ailleurs riposté aux flèches dont il est la cible de toutes parts. Que ce soit pour son projet pour la sécurité sociale ou pour l’aspect conservateur de sa vision de la société. « J’ai vu que mon élection et mon projet suscitaient une immense mobilisation de la gauche, qui au fond, a honte d’avoir raté tout ce qu’elle a entrepris depuis cinq ans », a-t-il accusé. Avant de renvoyer les extrêmes dos à dos : « Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se lancent dans une campagne anti-Fillon. Moi, je me lance dans une campagne pour les Français », a-t-il assuré.

Avec bon espoir de l’emporter, comme l’illustre une scène cocasse. A la charcuterie du village, alors qu’une annonce indique que le magasin recherche un « ouvrier-boucher-charcutier », un journaliste demande en blaguant à M. Fillon s’il « postule ». « Non car il faut être compétent pour ce poste », rétorque ce dernier. « Et président vous êtes compétent ? », le relance-t-on. Réponse amusée du prétendant à l’Elysée : « J’espère ! »