François Hollande : "J'ai décidé de ne pas être candidat à l'élection présidentielle"
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Le hollandisme est mort, vive le vallsisme ? Après la défection du chef de l’Etat, tous les regards se tournent logiquement vers le premier ministre. Et pour cause : Manuel Valls clame depuis plusieurs semaines sur tous les tons son intention d’aller à la primaire de la gauche si François Hollande venait à renoncer. Le scénario, dont il n’aurait pas osé rêver il y a de cela quelques mois, est en train de s’écrire sous ses yeux.

Rendons à César… L’histoire ne s’est pas écrite toute seule. Manuel Valls a tenu par moments la plume. Tout en faisant assaut de loyauté envers le président, le chef du gouvernement a participé – avec beaucoup d’autres, à commencer par M. Hollande lui-même – à créer les conditions de son empêchement.

Depuis la sortie du livre « Un président ne devrait pas dire ça… », des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, il est persuadé qu’il fera un meilleur candidat face à la droite et à l’extrême droite que son aîné. Dans le même ouvrage, le chef de l’Etat ne dit-il pas d’ailleurs de lui qu’il est le seul à même de prendre sa relève ?

Vers une démission

Désormais, Manuel Valls a à cœur de ne pas brûler les étapes. Dès après l’annonce de François Hollande, l’hypothèse d’une démission rapide de sa part pour se donner les coudées franches à la primaire de la gauche, a été évoquée.

Mais le premier ministre préfère prendre le temps nécessaire pour se présenter dans les meilleures conditions. Rien ne serait pire dans la séquence actuelle que d’apparaître pressé, ou pire, indélicat. Jeudi soir, c’est entouré de ses conseillers dans son bureau qu’il a assisté au discours élyséen. « Il était ému en le voyant », confie-t-on dans son entourage. Les deux hommes s’étaient parlé avant l’allocution ; ils ont à nouveau échangé à l’issue du discours, en privé, à l’abri des oreilles des conseillers de Matignon. Délicatesse encore.

Pour l’instant, Manuel Valls ne change rien à son agenda. Vendredi, il devait se rendre à Nancy, en compagnie de Najat Vallaud-Belkacem et de Marisol Touraine. Le déplacement promettait d’être savoureux. En effet, toutes deux n’écartent pas l’hypothèse de se présenter face à lui à la primaire de la gauche. La ministre de l’éducation nationale n’avait pas fait mystère de ses intentions si pareil événement venait à se produire ; quant à Mme Touraine, elle clame partout que le bilan du quinquennat est avant tout celui de son ministère de la santé et des affaires sociales.

Une ligne de départ bien garnie

Après avoir écarté le voisin du dessus, Manuel Valls va donc devoir se méfier des ambitions qui se manifestent dans les étages inférieurs. Car certains à gauche verraient bien la ministre de l’environnement Ségolène Royal reprendre le flambeau de 2007. D’autres imaginent opposer à l’austère François Fillon le non moins sévère ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve. Sans parler de l’ambiguë Christiane Taubira, l’ancienne garde des sceaux ayant fait profession d’aphorismes sibyllins.

La ligne de départ est pourtant déjà bien garnie avec l’ex-ministre de l’économie Arnaud Montebourg, le député des Yvelines Benoît Hamon, la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann ou encore Gérard Filoche…

La route n’est donc pas dégagée devant Manuel Valls. Ce dernier doit, après le déplacement à Nancy, se rendre samedi 3 décembre, à la convention de la Belle alliance populaire (BAP), le rassemblement de micropartis autour du Parti socialiste (PS) constitué sous l’impulsion du premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis.

La réunion devait servir à acter le principe de la primaire et à en définir le périmètre. Elle apparaît désormais comme le lieu de toutes les tractations. Le programme donne l’avantage à Manuel Valls : si les ministres Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Stéphane Le Foll, Emmanuelle Cosse et Jean-Vincent Placé doivent prendre la parole, c’est lui qui prononcera le discours final.

« Délai de décence »

Certains voient forcément là l’occasion rêvée de se déclarer. Mais rien n’est tranché encore du côté de Matignon. « Bien sûr, la voie s’ouvre pour Valls, mais chaque chose en son temps, explique un élu fraîchement rallié. Rien ne serait pire que de ne pas respecter une forme de délai de décence. Valls ne va pas se précipiter. C’est aussi notre devoir de saluer le bilan. La décision de Hollande est quand même courageuse et certainement douloureuse à prendre. »

De la décence certes, mais le calendrier très serré de la primaire ne permet pas de pousser trop loin le raffinement. Les candidats n’ont que jusqu’au 15 décembre pour se déclarer.

Manuel Valls sait également que pour se donner toutes les chances face à l’aile critique du PS, incarnée par Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, il doit faire état de sa capacité à rassembler. Lui qui, contrairement à François Hollande, n’a jamais été perçu comme étant positionné au centre de gravité du PS.

La détestation à son encontre de Martine Aubry, figure tutélaire de la gauche du parti, est un véritable obstacle. « Jusqu’à présent, Valls plaît uniquement parce qu’il est associé à Hollande, il y a un équilibre entre les deux. Seul, ce n’est plus la même histoire, il risque de voir sa côte de popularité dégringoler », prédit déjà un membre du gouvernement.

Et la partie qui se profile face à M. Montebourg, avec qui il avait fomenté au printemps 2014 pour pousser Jean-Marc Ayrault hors de Matignon, est loin d’être gagnée même si jusqu’à présent, les sondages lui donnent un avantage certain sur l’ancien ministre de l’économie.

La « vallso-compatibilité »

A Matignon, on veut croire que la grande majorité des soutiens du chef de l’Etat suivront un premier ministre qui a défendu la même ligne politique pendant le quinquennat. Certains ministres comme Jean-Yves Le Drian (défense) ou Michel Sapin (finances), longtemps catalogués hollandais, ont déjà franchi le Rubicon.

D’autres ne cachent pas leur « vallso-compatibilité ». C’est le cas notamment du patron des députés PS, Bruno Le Roux, et de celui des sénateurs socialistes, Didier Guillaume. Quant au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, furieux contre François Hollande, il avait lui déjà choisi son camp. Le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, n’est pas non plus hostile à un rapprochement. Enfin, l’entourage de Manuel Valls estime pouvoir compter sur environ la moitié des députés hors frondeurs, en attendant d’autres ralliements.

Le premier ministre, conscient que certaines de ses positions, notamment sur la laïcité, peuvent heurter à gauche, a veillé ces dernières semaines à donner des gages d’ouverture. Il a également pris soin d’envoyer des messages au monde de l’éducation et de la culture. Un recentrage dont il espère tirer profit dans les semaines qui viennent.

Le vrai risque qui menace cependant le chef de la majorité, c’est qu’une partie des élus PS s’estiment déliés de leur serment de fidélité avec la défection de François Hollande et ne soient tentés de rejoindre le mouvement d’Emmanuel Macron, En Marche ! En effet, certains proches de François Hollande en veulent davantage à Manuel Valls, accusé d’avoir manœuvré de l’intérieur, qu’à l’ancien ministre de l’économie, qui a certes trahi, mais les yeux dans les yeux. Délicatesse toujours.

Bénédiction à double tranchant

« Valls voulait tellement y aller, qu’il y aille on va bien voir, mais moi je me mets aux abonnés absents », prévenait, jeudi soir, un proche de M. Hollande un brin désabusé. « Valls va devoir reconstruire une image crédible et loyale, il y a du chemin, il va porter tout cela », voulait croire un autre, persuadé qu’en politique la déloyauté finit par se payer.

Pour Manuel Valls, le coup de pouce – ou de boutoir – pourrait bien venir… de l’Elysée. Le chef de l’Etat a promis dans son discours, jeudi, de ne se mêler désormais que des affaires de l’Etat. Mais il pourrait être amené dans les semaines qui viennent à se prononcer pour ou contre tel ou tel candidat.

Au cours de son allocution, François Hollande n’a fait que brièvement référence aux « gouvernements Ayrault et Valls », sans sembler donner une importance particulière au second. Rien ne dit qu’il l’adoubera officiellement.

Pour Manuel Valls, c’est à double tranchant. La bénédiction présidentielle lui donnerait une légitimité. Mais elle rappellerait également son immense responsabilité dans le bilan de ce quinquennat, celui-là même qui interdit à M. Hollande de prétendre à une réélection.