Jean-François Carenco, préfet d’Ile-de-France et président de l’ACP, en compagnie du préfet de Paris, en avril 2015. | THOMAS SAMSON / AFP

Le ras-le-bol fiscal s’exprime chez des contribuables de tous horizons, y compris parmi les préfets. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a pu en prendre la mesure, en assistant à l’assemblée générale de l’Association du corps préfectoral (ACP), mercredi 30 novembre, à Paris. Un rendez-vous annuel qui permet à la profession de faire connaître ses préoccupations. Cette fois-ci, l’une des doléances mises en avant concerne l’impôt que ces grands commis de l’Etat doivent payer sur leur logement, comme l’a indiqué Jean-François Carenco, préfet d’Ile-de-France et président de l’ACP, dans un discours prononcé en présence de M. Cazeneuve. Il a, en effet, exprimé le souhait que des « avancées » se produisent au sujet « de la fiscalité des résidences de fonction » et des « résidences personnelles », sans entrer dans les détails. Revendication exprimée « avec modération », a-t-il tenu à souligner, car « nous sommes privilégiés dans le corps social ». Mais ces questions ne peuvent plus être « passées sous silence », en particulier parce qu’elles jouent au détriment de « l’attractivité » du métier, à la sortie de l’ENA.

« C’est un vieux serpent de mer », décrypte un ex-haut cadre de la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Qu’il appartienne à l’Etat ou qu’il soit loué par un bailleur privé, le logement de fonction d’un préfet est considéré, aux yeux du fisc, comme sa « résidence principale » et il doit donc payer la taxe d’habitation. Or les lieux s’apparentent souvent à des quasi-palais, abritant d’immenses salons : ils offrent un toit aux représentants de l’Etat mais servent aussi à accueillir des personnalités, pour des repas de travail ou des réceptions officielles.

Des montants entre 2 500 et 3 000 euros

Si les locaux sont spacieux, la fiscalité applicable a évidemment de grandes chances d’être corsée. Toutefois, les textes donnent la possibilité à un préfet de n’être imposé que sur une partie de la superficie du logement, qui est censée correspondre à l’espace utilisé à titre strictement privé. Il en fait la demande auprès de la direction locale des finances publiques. Le nombre de mètres carrés pris en compte est plafonné à « 150 », précise-t-on dans l’entourage de M. Cazeneuve.

Malgré cette disposition, la facture reste salée. Sous le sceau de l’anonymat, des préfets, en activité en dehors de l’agglomération parisienne, évoquent des montants compris entre 2 500 et 3 000 euros. Et les discussions qu’ils engagent avec le fisc s’avèrent parfois ardues : « Ils ne font pas de cadeau », confie l’un d’eux. Certains rappellent qu’ils sont tenus – c’est une des servitudes du poste – de s’installer dans ces locaux gigantesques, qu’ils n’ont pas choisis et où bon nombre d’entre eux vivent seuls, les « célibataires géographiques » étant légion dans le corps, d’après un ancien de la préfectorale. Le logement de fonction « est souvent mal vécu par ceux qui l’habitent, c’est une contrainte extrêmement forte », a souligné, mercredi, M. Carenco.

Susceptibles d’être débarqués à tout moment, les préfets sont fréquemment propriétaires d’une autre habitation, située dans leur « port d’attache ». Leurs proches l’occupent parfois à l’année longue, pendant qu’eux sont en poste ailleurs. Mais aux yeux du fisc, il s’agit d’une résidence secondaire, soumise à des dispositions plus exigeantes (taxation des plus-values de cession, etc.). C’est aussi à ce point-là que M. Carenco a fait allusion, de façon subliminale, lors de son intervention, mercredi.

Mais les vœux du président de l’ACP, en matière d’imposition des résidences, ne seront sans doute pas exaucés, à court terme. Au ministère de l’intérieur, on indique que la règle du plafonnement à 150 mètres carrés restera en l’état.