Chroniques romaines. Réda Mérida, jeune Algérien étudiant les sciences politiques à Lille, raconte son année d’échange Erasmus dans la capitale italienne, avec quelques images animées et une pointe de second degré.

Rome est une ville qui collectionne les paradoxes, moderne et antique, cosmopolite et traditionnelle, multiculturelle et authentique. On ne l’aime pas forcément de prime abord, surtout quand il s’agit de s’y installer pour y vivre ; il faut la connaître, l’appréhender et ne jamais être pressé. Mais peu de temps suffit pour tomber sous son charme, son doux climat, ses ruelles entrelacées, sa banlieue et le pittoresque de ses couchés de soleil, tantôt violâtres, tantôt orangés, voire écarlates.

Bien que Rome soit une capitale européenne, les Romains ont su préserver leur authenticité et leur hospitalité. « La froideur et le capitalisme, c’est pour les Milanais », aiment-ils rappeler. Pour ma part, bien que ça ne soit pas ma première immersion dans une culture étrangère, ces trois premiers mois ont été synonymes de découvertes : de la ville, du pays, du système d’enseignement et même de la colocation !

La colocation est « le » remède contre le sentiment de solitude qu’on peut avoir les premiers jours ; en plus de rencontrer des gens, pratiquer la langue et découvrir gratuitement la gastronomie italienne, elle est surtout une alternative économique pour vivre près du centre-ville sans se ruiner ! Pour que celle-ci soit sereine et pérenne, il était nécessaire de nous mettre d’accord, comme dans une assemblée constituante, sur les règles qui allaient régir la vie dans l’appartement. Ces règles vont de l’hygiène – et c’est souvent sur ce point que les normes se confrontent –, à la place des conjoints et des amours d’un soir des colocataires (pour avoir un bon sommeil et éviter les surprises dans la salle de bains à 3 heures du matin), en passant par les dépenses communes, la répartition des tâches, les factures, etc.

Ayant toujours eu un logement individuel, j’ai d’abord eu du mal à m’adapter à cette promiscuité constante : c’en était fini des douches à 2 heures du matin, des déjeuners à 15 heures et des dimanches en caleçon… Il faut que chacun mette du sien et accepte de renoncer à quelques-unes de ses habitudes pour éviter une deuxième « guerre froide ».

Dès mon arrivée en Italie, il fallait que je demande mon codice fiscale (« code fiscal »). C’est une série de chiffres et de lettres qui vous accompagne dans toutes vos démarches (cantine, bail de location, médecins, etc.). Pour cela, il faut savoir s’armer de la patience de Jeanne d’Arc et du calme du dalaï-lama ; les bureaux n’ouvrent que la demi-journée, l’attente est longue et les fonctionnaires ne parlent pas un mot d’anglais. Mais l’Italie ne se réduit guère à cela.

Bien que j’aie vécu dans un pays méditerranéen la majeure partie de ma vie, l’atmosphère qui règne ici m’est complètement inconnue. Beaucoup de stéréotypes se sont révélés vrais : oui, les Italiens gesticulent, parlent fort et mangent bien (d’ailleurs j’ai pris 4,5 kilogrammes depuis mon arrivée). Oui, les rues sont bruyantes et désordonnées, mais c’est indéniablement ce qui les rend si envoûtantes. Oui, les esprits s’échauffent facilement et s’entrechoquent souvent, mais les relations sont sincères et dépourvues de rancunes.

Vous avez beau prétendre maîtriser l’italien, si vous ne déchiffrez pas le geste ci-dessus et ses variantes, vous ne comprendrez rien !

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Les universités italiennes ont un peu hérité d’un esprit élitiste, dû aux frais d’inscription plutôt plus élevés qu’en France. Mais aussi au faible accès des jeunes aux études supérieures. En effet, la proportion de jeunes diplômés en 2012 n’était que de 22,3 %, ce qui reste inférieur à celle des autres grands pays européens (29 % en Allemagne, 39 % en Espagne et 45 % au Royaume-Uni). D’ailleurs, le manque de mixité sociale sur les bancs des universités est flagrant, je me suis rendu compte que je remplissais à moi seul plusieurs quotas de minorités.

Bien que l’organisation des études ici soit peu ou prou similaire à celle de la France, la façon dont les cours sont dispensés est complètement différente. La charge de travail est bien plus importante à cause du nombre réduit des étudiants en cours, ce qui peut donner l’impression que chaque cours est une séance de TD-TP (travaux dirigés-travaux pratiques), la présence est obligatoire et les préparations importantes.

Théoriquement les étudiants Erasmus ont droit à des dérogations et à un régime spécial et plus souple leur permettant de compenser les difficultés linguistiques et d’adaptation. Pas dans l’université où je suis. Ici, nous suivons les mêmes cours (qui sont en anglais) et passons les mêmes examens. Néanmoins, l’avantage d’être en Erasmus donne la possibilité de piocher parmi les cours de toutes les facultés et ainsi concocter son propre parcours ; droit du marché intérieur européen, finance internationale, droit international du développement, macroéconomie internationale… Tous ces domaines que je n’aurais pas pu découvrir et étudier si j’étais resté en France.

Je ne m’y attendais pas vraiment, mais Rome est une ville où il fait bon être étudiant en sciences politiques, et cela du fait de la présence de plusieurs organisations internationales (Fonds international de développement agricole, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, etc.), d’organisations non gouvernementales, d’ambassades et de centres de recherche. Des conférences portant sur moult sujets sont très souvent organisées par l’université, avec la présence de personnalités reconnues dans leur domaine. Cela permet de sortir du cadre théorique des cours, d’avoir un aperçu de l’applicabilité de nos différents enseignements sur le terrain et, ainsi, d’élargir nos perspectives.

Par ailleurs, vivre à Rome, c’est comme vivre dans un musée géant, chaque mur, chaque immeuble, chaque pavé possède une histoire. Aussi, l’accès à l’art est-il aisé et la culture underground italienne incroyablement riche et intéressante. Cette expérience se révèle bonne jusqu’ici, peut-être que les examens qui pointent me feront changer d’avis, je vous le dirai le mois prochain. Ci vediamo !