François Hollande, Michel Sapin, Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Jouyet au Palais de l’Elysee en février 2015. | PATRICK KOVARIK / AFP

Tout un symbole. Ami proche de François Hollande, parrain de deux de ses quatre enfants, Jean-Pierre Mignard a été le premier à basculer. La décision du président de la République de ne pas briguer un second mandat à peine digérée, l’avocat a annoncé, vendredi 2 décembre, son soutien à Emmanuel Macron.

Sa préférence était connue de longue date, mais sa rapidité fait sens. « Si je peux l’aider, je l’aiderai », a déclaré ce proche de la famille Hollande-Royal sur Europe 1, estimant qu’« il faut suivre aujourd’hui avec beaucoup d’intérêt » la tentative de rénovation portée par l’ancien ministre de l’économie.

Depuis jeudi soir, la Hollandie s’interroge et se scrute, dans une ambiance crépusculaire. « Mignard, c’est un solitaire, une starlette, il ne représente que lui-même », s’étranglait vendredi matin un proche du chef de l’Etat, certain que M. Macron agit comme un repoussoir parmi le premier cercle. « Pour l’instant, on est tous un peu sonnés, on n’est pas encore dans l’après », nuançait un autre. « Franchement, il faut que je réfléchisse. On va se téléphoner, essayer de trouver une position commune », expliquait un troisième.

Dray « hystérique »

Si certains disaient s’attendre depuis quelques jours à la décision de M. Hollande, elle a eu l’effet d’une douche froide sur ses partisans. Le copain Julien Dray, qui avait tenté jusqu’au bout de le convaincre de se lancer, est l’un des plus blessés, « hystérique » même, selon un familier.

Comme K.-O. debout, Stéphane Le Foll, le ministre de l’agriculture, était vendredi dans sa circonscription de la Sarthe, loin de l’agitation parisienne. Ce fidèle parmi les plus fidèles du chef de l’Etat a passé sa journée au téléphone à « consulter », selon un proche. Il ne participera pas finalement, samedi soir, au meeting à Paris de la Belle Alliance populaire (BAP) censé lancer la campagne de la primaire.

Dans les jours qui viennent, les mots de M. Le Foll vont être une boussole pour savoir comment beaucoup de « hollandais » vont traiter Manuel Valls. Vendredi soir, interrogé au « 20 heures » de France 2 sur un soutien éventuel au premier ministre, il s’est contenté du minimum : « Moi, je prendrai le temps de regarder tout ça et de prendre le recul nécessaire. » Pas de blanc-seing, donc.

Orphelins, nombre de « hollandais » s’interrogent sur la suite. Doivent-ils rallier M. Valls, qui s’apprête à se lancer dans la primaire ? Se laisser tenter par M. Macron, qui se présente directement à l’élection présidentielle ? Ou envisager une troisième voie, un autre candidat ?

Crime de lèse-président et trahison

« Normalement, nous devrions tous soutenir Valls, issu comme nous de la Jospinie, analyse une partisane historique. Mais beaucoup sont tentés par Macron, qui attire et repousse tout autant» Certains devraient rapidement basculer du côté de M. Valls, comme les présidents des groupes parlementaires Bruno Le Roux (Assemblée nationale) et Didier Guillaume (Sénat), ou le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian.

Vendredi, le député (Parti socialiste, PS) du Morbihan, Gwendal Rouillard, très proche de M. Le Drian, a fait savoir au Monde qu’il se ralliait sans attendre au chef du gouvernement. « J’ai soutenu François Hollande depuis plus de quinze ans, je revendique cette fidélité. Je salue sa décision lucide, courageuse et responsable de ne pas être candidat. Pour l’avenir de la France, je souhaite la candidature de Manuel Valls. Il incarnera l’autorité, l’expérience, le patriotisme et l’humanisme dont notre pays a besoin », explique-t-il sans aucune ambiguïté.

A écouter les uns et les autres, la pression exercée ces dernières semaines par le premier ministre sur le chef de l’Etat a tout de même été mal vécue. Certains y ont vu un crime de lèse-président. « Dire que le livre [Un président ne devrait pas dire ça…, de Gérard Davet et Fabrice Lhomme] était une honte, comme l’a fait Manuel Valls, était excessif », euphémise Bernard Poignant, conseiller spécial du chef de l’Etat et ancien maire (PS) de Quimper.

Mais le départ de M. Macron a aussi été perçu comme une « trahison » par certains. « Pour le président, c’est une blessure, la blessure de celui qui est trahi alors qu’il ne le pensait pas », estime Michel Sapin, le ministre des finances et de l’économie.

Un cabinet élyséen abasourdi

D’anciens grognards de la Hollandie ont déjà rejoint le candidat d’En marche !, le mouvement de M. Macron. Le publicitaire Robert Zarader, ancien de la campagne de 2012, et Philippe Grangeon, conseiller spécial de Paul Hermelin, PDG de Cap Gemini et ami de 35 ans de M. Hollande, ont intégré ces dernières semaines la garde rapprochée de l’ex-banquier.

Depuis plusieurs semaines, Ségolène Royal s’interroge aussi à voix haute. « J’ai du respect pour une personnalité politique qui a choisi un chemin », répondait récemment la ministre de l’environnement lorsqu’on l’interrogeait sur le départ de M. Macron du gouvernement.

Les hésitations sont d’autant plus grandes que le chef de l’Etat n’a donné, pour l’instant, aucun indice sur le candidat qu’il pourrait soutenir, si tant est qu’il en soutiendra un. « On va voir ce que François va dire à ses proches dans les prochains jours, même si on est libre de faire ce qu’on veut », explique une de ses intimes.

Lors de son allocution, jeudi soir, M. Hollande n’a pas eu de mot particulier pour M. Valls ni pour M. Macron. « Il n’y a pas de ligne directrice et encore moins de consigne », assure M. Poignant, qui décrit un cabinet élyséen abasourdi.

A écouter certains de ses proches, le chef de l’Etat pourrait d’ailleurs ne pas marquer de préférence parmi les candidats à la primaire. « Il laissera les portes ouvertes jusqu’à ce que le candidat du PS soit désigné. Alors seulement, il le soutiendra face à François Fillon », croit savoir un hollandais historique. Ne rien choisir, laisser tout ouvert, comme d’habitude.