Convention écologie du Front national, dans les salons de l'hôtel Napoléon à Paris, vendredi 2 décembre. | Rémi Barroux/Le Monde

Après le nationalisme économique et la « préférence nationale » dans le domaine social, le Front national s’adonne à « l’écologie patriote ». Vendredi 2 décembre, dans un grand hôtel parisien, non loin de la place de l’Etoile, le parti de Marine Le Pen a réuni une « convention écologie », en présence de quelque cent cinquante personnes, l’occasion notamment pour le collectif Nouvelle Ecologie, émanation du FN créée en 2014, de présenter ses « 21 propositions pour une écologie patriote du XXIe siècle » en vue de l’élection présidentielle.

La présidente du mouvement nationaliste est elle-même venue conclure les travaux de l’assemblée qui a écouté, durant trois heures, les participants aux trois tables rondes consacrées à la transition énergétique, à l’agriculture et l’environnement ainsi qu’au « modèle économique durable ». Florian Philippot, député européen, vice-président du parti et proche de Mme Le Pen avait, lui, lancé les opérations. Le but avoué : capter un électorat séduit par les thèses écologistes, inquiet des conséquences de l’usage massif des pesticides ou de la pollution de l’air.

Lutte contre le libre-échange

Avant de prendre la parole, Marine Le Pen défendait auprès du Monde la légitimité de la démarche : « L’écologie est totalement cohérente avec les thèses économiques défendues par le Front national, notamment la lutte contre le libre-échange », que « ne combattent pas », selon elle, « les écologistes » – alors même qu’ils sont en pointe dans le combat contre les accords commerciaux CETA et Tafta.

Le credo de la présidente du FN est simple : en défendant le protectionnisme, la production à l’intérieur de nos frontières, « au plus près », on lutte contre les émissions de gaz à effets de serre, on préserve « le bien être de notre planète, la pérennité de nos ressources ». « Cette convention résonne à l’heure où certains candidats promettent la régression dans tous les domaines : économique, social et écologique », a déclaré Mme Le Pen.

Insistant sur le fait que l’écologie ne devait pas être punitive – l’exemple de la fermeture des voies sur berge parisiennes étant, selon elle, l’exemple de cette « écologie punitive » qui crée des embouteillages et de la pollution pour les habitants –, la candidate à l’élection présidentielle a martelé les thèmes sur lesquels elle entend faire campagne.

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Sur la transition énergétique « à la française », Mme Le Pen estime qu’il faut défendre le nucléaire qui assure l’indépendance énergétique… et émet très peu de CO2. « L’abandonner serait se tirer une balle dans le pied », a-t-elle déclaré, pour le plus grand bonheur d’un représentant de la Société française d’énergie nucléaire – une association de lobbying pro nucléaire dont le conseil d’administration est notamment composé de cadres d’Areva, d’EDF, du CEA… –, venu lui présenter ses thèses en défense de ce secteur. Il faut selon un secteur public fort dans le domaine de l’énergie, EDF devant redevenir « 100 % public ».

Interdiction des gaz de schiste

Figure aussi dans son programme la réduction de moitié de la part des énergies fossiles d’ici vingt ans. L’occasion pour Marine Le Pen, sous les applaudissements de la salle, de viser les « pays qui nous vendent en même temps leur pétrole et nous exportent leurs idéologies ». Favorable au maintien de l’interdiction de l’exploitation des gaz de schiste, la candidate estime que les énergies renouvelables doivent être développées, du solaire au bois en passant par la méthanisation. Un effort particulier devrait être fait pour permettre aux Français de réaliser des travaux de rénovation thermique dans leurs habitations, notamment par un prêt à taux zéro de la Banque de France. Elle estime enfin que la voiture à hydrogène représente le futur – à charge pour le secteur automobile national d’y investir.

Après avoir écouté un long plaidoyer en défense des abeilles, déroulé par la conseillère régionale de Bourgogne-Franche Comté, Sophie Montel, et assisté à un débat vantant les mérites de l’agriculture biologique et dénonçant la ferme des 1 000 vaches, les militants ont pu entendre leur championne célébrer le monde paysan, « à échelle humaine », qui s’oppose au « modèle productiviste ». « La disparition des paysans ne peut qu’accélérer la destruction de notre patrimoine écologique », a-t-elle déclaré.

Un accord de Paris « bancal » et « inexploitable »

Marine Le Pen, lors d'une convention sur l'écologie du Front national, dans les salons de l'hôtel Napoléon, à Paris, vendredi 2 décembre. | Rémi Barroux/Le Monde

Ce discours du Front national n’est pas nouveau. La célébration de la religion de la nature, la défense des animaux comme le retour aux valeurs nationales portées par la terre, a toujours fait partie des fondamentaux d’une extrême-droite historique. Plus récemment, des fédérations locales se sont engagées contre le projet de tunnel transalpin du futur Lyon-Turin ou encore contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) – même si dans ce dernier cas, le combat contre les « zadistes » qui occupent le bocage nantais l’emporte sur la lutte elle-même contre le futur aéroport. Certains militants d’extrême-droite ont aussi essayé de prendre pied dans la résistance contre le projet de barrage à Sivens, dans le Tarn, avant de se voir fermement éconduits de la zone occupée.

Mais, vendredi, à Paris, Marine Le Pen a essayé de présenter la cohérence de cet engagement écologiste, à l’aune de son rejet de l’Europe et de la mondialisation. « L’accord de Paris [conclu à la fin de la conférence sur le climat, la COP21, en décembre 2015] est bancal et inexploitable », estime-t-elle. Et le climat est une affaire nationale. Ce qui ne répond bien sûr pas aux questions délicates des réfugiés et des migrations liées aux crises environnementales.