Le candidat des Verts à la présidence, Alexander Van der Bellen, agite la menace d’une sortie de l’Union européenne en cas de victoire de son rival d’extrême droite, Norbert Hofer, dimanche 4 décembre 2016. | LEONHARD FOEGER / REUTERS

Alexander Van der Bellen en a fait un de ses arguments favoris de campagne contre Norbert Hofer, en prélude au dernier tour de l’élection présidentielle, dimanche 4 décembre : en cas de victoire de l’extrême droite, l’Autriche risquerait, a martelé le candidat écologiste, de connaître le sort du Royaume-Uni, pour dériver progressivement hors de l’Union européenne. Eurosceptique et allié du Front national au Parlement européen, l’homme du Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ – « Parti de la liberté d’Autriche ») a dû répondre en tentant de rassurer une opinion publique plutôt attachée à la construction européenne, à peine vingt ans après l’adhésion du pays à l’UE, en 1995.

La campagne est des plus serrées, et la question européenne pourrait peser lourd. Focalisés lors du second tour du 22 mai – annulé par le Tribunal constitutionnel après la très courte victoire de M. Van Der Bellen – sur l’intégration de 130 000 migrants arrivés en Autriche depuis le début de 2015, les débats ont plus récemment laissé place aux questions de politique étrangère.

Lors d’un ultime débat télévisé jeudi 1er décembre, Alexander Van der Bellen a accusé l’extrême droite de « jouer avec le feu » à propos d’une éventuelle sortie de l’Autriche de l’UE (« Öxit »). Le sujet est d’autant plus sensible que le pays a su bénéficier de son adhésion tardive, suivie quelques années plus tard d’un vaste élargissement de l’Union européenne aux voisins d’Europe centrale, pour se replacer au cœur des échanges entre l’est et l’ouest du continent. Ce qui n’a pas empêché l’émergence d’un fort courant eurosceptique.

« Je suis européen, et nous resterons dans l’UE »

Norbert Hofer a dû préciser ses positions, en affirmant qu’il envisageait bel et bien un référendum pour ou contre l’« Öxit » si la Turquie rejoignait l’UE, et si celle-ci devenait de plus en plus fédérale – une double perspective peu probable, selon les observateurs. Pas question, à l’en croire, d’organiser à court terme un référendum sur le modèle de celui remporté par l’extrême droite (le United Kingdom Independence Party – UKIP) avec la complicité du gouvernement conservateur britannique. « Je suis européen, et nous resterons dans l’UE », a encore dit M. Hofer, comme pour montrer patte blanche. Le FPÖ n’a de surcroît pas pu reprendre franchement à son compte le succès des partisans du Brexit lors du référendum du 23 juin, tant la confusion règne encore, en particulier à Londres, sur les modalités de sortie du Royaume-Uni.

Comme député, le candidat de l’extrême droite avait pourtant voté contre l’adhésion de son pays et le FPÖ a toujours eu des positions eurosceptiques. « Je ne veux pas devenir le gouverneur de l’Autriche », répète-t-il souvent, pour insister sur l’Europe qu’il privilégie : celle des Etats nations, capables de se faire entendre à Bruxelles à coup de veto s’il le faut ; celle des politiques pilotées avant tout par les capitales, sur les seuls sujets « essentiels », que ce soit l’économie ou même la diplomatie commune.

Contre le multiculturalisme de Merkel

En cas de victoire, le candidat du FPÖ entend, quoi qu’il arrive, devenir un « pont » entre Washington et Moscou en se tenant à équidistance des deux capitales, ce qui n’est pas dans la tradition de l’Autriche, ancrée à l’ouest malgré sa neutralité depuis son retour à la souveraineté en 1955. « Les sanctions imposées à la Russie ont fait souffrir notre agriculture », affirmait encore Norbert Hofer lors du discours clôturant sa campagne vendredi, avant de fustiger la répression orchestrée par Ankara et de réclamer la mise en place de « zones sécurisées en Afrique » pouvant accueillir les réfugiés le temps que les conflits soient résolus dans leur pays.

De manière systématique désormais, le FPÖ s’en prend à Angela Merkel, la « femme la plus dangereuse d’Europe », selon son chef, Heinz-Christian Strache, qui fustige sa politique d’ouverture, lors de la crise des migrants de l’été 2015. Dans sa conquête du pouvoir, l’extrême droite compte au contraire se rapprocher des pays du groupe de Visegrad (République tchèque, Pologne, Hongrie, Slovaquie), qui, Hongrie en tête, ont défié la chancelière chrétienne-démocrate allemande pour fermer la « route des balkans » et rejeter sa vision multiculturelle du continent.

Dans la pratique, l’Allemagne opère pourtant un rétropédalage et campe désormais sur une ligne plus dure envers les demandeurs d’asile. Pour preuve, Berlin a commencé à expulser discrètement vers l’Autriche les demandeurs d’asile qui y avaient été enregistrés lors de leur passage sur son territoire. Certainement pas de quoi apaiser la virulence du FPÖ à l’égard de son voisin.

L’élection présidentielle autrichienne, un scrutin hors norme
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Images : Pierre Trouvé / LeMonde.fr / AFP