Il aura fallu pour les sept syndicalistes de Dassault Aviation entre 27 à 34 ans pour passer du coefficient 170 au coefficient 285, alors même que « la durée théorique de progression est de 19 ans ». | DENIS BALIBOUSE / REUTERS

C’est une affaire qui coûte cher à Dassault Aviation, tant du point de vue financier qu’en matière de préjudice d’image. Condamné pour discrimination syndicale, l’industriel est tenu de payer environ 1,1 million de dommages et intérêts à sept de ses salariés ou ex-salariés. Les décisions, rendues le 4 octobre par la cour d’appel de Paris, ont été portées à la connaissance du public, mardi 6 décembre, lors d’une conférence de presse, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).

Les faits concernent, en l’espèce, sept hommes recrutés dans les années 1970 et au tout début des années 1980 comme « professionnels de fabrication » – c’est-à-dire ouvriers – dans le site de Dassault Aviation à Biarritz. Adhérents de la CGT, plusieurs d’entre eux exercent des mandats syndicaux ou représentent leurs collègues dans les instances consacrées à cet effet (CE, etc.).

S’estimant moins bien traités que les autres salariés en raison de leur engagement syndical, ils alertent, en 2007, l’inspection du travail. Puis ils saisissent le conseil de prud’hommes pour obtenir réparation du préjudice et être « repositionnés » sur un poste qu’ils auraient dû occuper si leur carrière n’avait pas été entravée. S’ensuit une longue bataille judiciaire, arbitrée par plusieurs juridictions : cour d’appel de Paris, chambre sociale de la Cour de cassation, puis retour devant la cour d’appel de Paris en 2016…

« Retards de carrière »

Les décisions rendues le 4 octobre donnent gain de cause aux sept demandeurs et elles augmentent même le montant des dédommagements qui leur avaient été accordés lors d’un premier examen de l’affaire en appel. Parmi les éléments de preuve retenus par les juges, il y a un échantillon de salariés « embauchés à des dates, coefficients et diplômes similaires » à chacun des sept cégétistes. La comparaison fait apparaître de spectaculaires « retards de carrière », selon la formule de la cour : les sept syndicalistes ont mis, suivant les cas, de 27 à 34 ans pour passer du coefficient 170 au coefficient 285, alors même que « la durée théorique de progression », calculée à partir du panel, « est de 19 ans ».

De plus, dans l’échantillon pris en considération, bon nombre de salariés ont été, à un moment donné, promus « cadres 14 » – ce qui n’est pas le cas des sept demandeurs. Or, écrit la cour d’appel dans ses arrêts, Dassault Aviation « ne justifie pas que l’intéressé n’aurait pas eu les compétences requises (…) pour atteindre » un tel degré de responsabilités. Dès lors, elle ordonne le « repositionnement » sur une fonction de « cadre 14 » de cinq d’entre eux – les deux autres ne sont pas concernés, car ils sont aujourd’hui à la retraite.

Pour compenser le préjudice économique et moral qu’ils ont subi, la cour d’appel leur octroie, par ailleurs, des sommes oscillant entre 100 000 et 195 000 euros.

Sollicité par Le Monde, Dassault Aviation fait valoir qu’« il s’agit d’une affaire ancienne, qui a fait l’objet de multiples procédures ».

« Nous ne souhaitons pas commenter une décision de justice, ajoute un porte-parole. La société attache une grande importance au fait syndical et, aujourd’hui, il existe dans l’entreprise un accord permettant de suivre le déroulement de carrière des représentants du personnel. »