Objets du quotidien contenant des perturbateurs endocriniens. | JULIE BALAGUE POUR LE MONDE

« Les perturbateurs endocriniens peuvent (…) être traités comme la plupart des substances [chimiques] préoccupantes pour la santé humaine et l’environnement. » Dans une enquête publiée le 29 novembre, Stéphane Horel rappelle que « c’est sur cette simple phrase, issue de la conclusion d’un avis de 2013 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), que Bruxelles fonde son projet de réglementation des perturbateurs endocriniens, ces substances omniprésentes capables d’interférer avec le système hormonal à des doses souvent infimes ».

La Commission propose des critères d’identifications des perturbateurs endocriniens en juin 2016 sur lequels doivent se prononcer les Etats, une proposition pas encore votée donc, mais loin de faire l’unanimité puisqu’elle a contre elle la France, le Danemark, la Suède, mais aussi l’ensemble des organisations non gouvernementales (ONG) « qui estiment qu’elle ne permet pas de protéger la santé publique et l’environnement ».

C’est ainsi qu’un collectif d’une centaine de scientifiques constate que « jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal : cancers du sein, du testicule, de l’ovaire ou de la prostate, troubles du développement du cerveau, diabète, obésité, non-descente des testicules à la naissance, malformations du pénis et détérioration de la qualité spermatique ».

Selon eux, plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal, ces fameux « perturbateurs endocriniens ». D’où la nécessité d’une réglementation concernant leur utilisation, malheureusement combattue « par des scientifiques fortement liés à des intérêts industriels, produisant l’impression d’une absence de consensus, là où il n’y a pourtant pas de controverse scientifique ».

Ce collectif qui s’inquiète des mesures insuffisantes que propose Bruxelles, appelle à « la création, sous les auspices de l’Organisation des Nations unies, d’un groupe ayant le même statut international et les mêmes prérogatives que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ce groupe serait chargé d’évaluer les connaissances scientifiques destinées aux responsables politiques dans l’intérêt général et mettrait la science à l’abri de l’influence des intérêts privés ».

Dans ce débat, le professeur François Olivennes insiste sur « la probable contribution des perturbateurs endocriniens dans la baisse de la qualité spermatique », ajoutant que « le drame potentiel bien plus grave concerne les femmes ». Pour le Dr Olivennes, « l’impact potentiel des perturbateurs endocriniens pourrait entraîner des effets irréversibles s’ils contribuaient à une destruction des ovocytes, ou même a une diminution du stock folliculaire d’un fœtus féminin que porterait une femme enceinte exposée », synonymes d’infertilité.

A lire sur le sujet :

« Ne sous-estimons pas la gravité des perturbateurs endocriniens sur la fertilité », par François Olivennes. Le gynécologue obstétricien, estime que « le drame potentiel le plus grave des perturbateurs endocriniens concerne les femmes ».

Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science (collectif). Près de cent scientifiques dénoncent la fabrication du doute par les industriels, déjà à l’œuvre dans la lutte contre le changement climatique.

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Perturbateurs endocriniens : un poids énorme sur l’économie américaine, par Stéphane Foucart. 340 milliards de dollars par an : c’est le coût des dégâts sanitaires provoqués par l’exposition de la population aux substances chimiques déréglant le système hormonal.