Seconde tentative. La « taxe YouTube », qui vise à adapter la fiscalité aux différentes pratiques de consommation cinématographique et musicale, devait faire son retour à l’Assemblée nationale, au cours de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR), mardi 6 ou mercredi 7 décembre.

Adopté une première fois en commission des finances lors de l’examen du budget (PLF), cet amendement, dont l’ambition est d’élargir le paiement de la taxe vidéo aux éditeurs de services à la demande comme UniversCiné ou iTunes, mais surtout aux plates-formes communautaires comme YouTube ou Dailymotion, avait été rejeté après un vif débat entre certains députés PS et le gouvernement, en séance publique, le 21 octobre. Le puissant lobbying de Google, la maison mère de YouTube, avait fonctionné à plein, conjugué à l’hostilité face à ce nouvel impôt de Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget.

Pas découragés, 23 députés PS, dont Karine Berger ou Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, ont donc décidé de tenter à nouveau leur chance à l’occasion du PLFR, en présentant un amendement légèrement modifié « pour tenir compte des critiques ».

« Equité fiscale »

Celui-ci a été adopté en commission des finances, le 26 novembre. La disposition vise à établir une « équité fiscale entre les plates-formes gratuites et payantes et entre les acteurs nationaux et étrangers, notamment américains ». Aujourd’hui, une œuvre diffusée sur une plate-forme de télévision ou un service de vidéo à la demande est taxée pour financer la création, alors que la même œuvre, diffusée sur une plate-forme gratuite comme YouTube, ne l’est pas.

Si elle est adoptée, cette taxe sera due par tout opérateur qui propose un service en France permettant l’accès, à titre onéreux ou gratuit, à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles. « Toutefois, pour tenir compte de la part importante de contenus amateurs, il est prévu un abattement » important (66 % pour l’assiette imposable) pour ces derniers. En outre, les services aux contenus audiovisuels secondaires, comme les sites de presse ou encore AlloCiné, seront exclus du dispositif.

Le taux de la taxe reste inchangé, à 2 % du chiffre d’affaires et à 10 %, si les recettes publicitaires sont liées « à la diffusion de contenus et œuvres à caractère pornographique ou violent ». La taxe serait affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui promet d’aider davantage l’industrie musicale. Le CNC vient de confier une mission de réflexion de soutien aux clips vidéo à Vincent Frèrebeau, président de l’Union des producteurs phonographiques indépendants.

Les GAFA militent pour un abandon du projet

Le Syndicat national de l’édition phonographique rappelle qu’en France une vidéo regardée sur des plates-formes payantes comme Deezer, Spotify ou Apple Music rapportait 27 euros par an au producteur en 2015, soit… 54 fois plus que le streaming vidéo gratuit proposé sur YouTube ou Dailymotion (0,50 euro).

Selon la Fédération internationale de l’industrie musicale, cet écart se vérifie aussi au niveau mondial : 68 millions d’abonnés payants à du streaming ont généré, en 2015, plus de 2 milliards de dollars (1,86 milliard d’euros) de recettes. En revanche, plus de 900 millions d’utilisateurs de services de partage de contenus financés par la publicité – dont YouTube, qui reste, de très loin, le premier service de musique en ligne – n’ont rapporté, eux, que 634 millions de dollars. De son côté, YouTube ne détaille pas le montant annuel de ses aides à la création.

Les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) militent pour un abandon de ce projet qu’ils jugent « complexe à mettre en œuvre ». Ils affirment que « la superposition d’initiatives fiscales nationales isole la France et nuit à son attractivité ». De son côté, Christian Eckert indique que le gouvernement demeure opposé à l’adoption de cette taxe.