La démission du gouvernement entraîne automatiquement la fin de ce régime d’exception dans un délai de quinze jours | PATRICK HERTZOG / AFP

Cela ressemble à un acharnement du sort sur les conditions de renouvellement de l’état d’urgence. L’Assemblée nationale et le Sénat vont devoir débattre à nouveau sous la contrainte d’un calendrier serré d’un projet de loi de prorogation de ce dispositif de pouvoirs exceptionnels confiés au ministère de l’intérieur. L’une des conséquences directes de la démission du gouvernement de Manuel Valls, mardi 6 décembre, est en effet de mettre fin à l’état d’urgence. L’article 4 de la loi de 1955 définissant ce régime d’exception prévoit que « la loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale ».

Au total, depuis l’instauration de l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national, le 14 novembre 2015, ce sera la cinquième loi de prorogation soumise au Parlement. Il est actuellement en vigueur jusqu’au 26 janvier 2017, suite à la prorogation de six mois votée dans la foulée de l’attentat du 14 juillet à Nice. Il se trouve que le gouvernement Valls avait prévu, en accord avec François Hollande, de le prolonger jusqu’au lendemain des élections présidentielles.

Avant-projet déjà rédigé

Selon nos informations, l’avant-projet de loi est déjà rédigé et a été transmis pour avis au Conseil d’Etat à la veille du week-end du 3 décembre. Ce projet de loi est limité à une poignée d’articles. Outre les mois de prolongation, il prévoit de répondre à la question de la durée maximale à laquelle une personne peut être assignée à résidence dans le cadre de l’état d’urgence. L’avis du Conseil d’Etat sur ces deux points aura une grande importance, même s’il ne s’impose pas au gouvernement.

Jean-Marc Sauvé, qui préside le Conseil d’Etat, avait alerté le gouvernement sur une éventuelle nouvelle prorogation. « L’état d’urgence est un état de crise qui ne peut être renouvelé indéfiniment », a-t-il déclaré dans un entretien au Monde du 19 novembre.

De plus, alors que certaines personnes sont aujourd’hui assignées à résidence depuis plus d’un an, sans que des éléments n’aient justifié depuis l’ouverture de la moindre enquête judiciaire à leur encontre, M. Sauvé a jugé « opportun » que le législateur se prononce sur la durée maximale de ces assignations.

95 assignés à résidence

Selon les données transmises par le ministère de l’intérieur à l’Assemblée nationale, il y avait au 22 novembre quatre-vingt-quinze personnes assignées à résidence. Ces personnes n’ont pas le droit de sortir de chez elles (ou d’un autre lieu qui leur a été fixé) pendant la nuit (pendant dix ou douze selon les cas) avec, pour la plupart, une obligation de pointer trois fois par jour à heures fixes au commissariat ou à la gendarmerie. Depuis la loi du 21 juillet autorisant de nouveau les perquisitions administratives et les saisies informatiques et de téléphones portables, 542 perquisitions extrajudiciaires ont été ordonnées par les préfets.

Dans l’hypothèse où le vote de la nouvelle loi serait impossible dans le délai de deux semaines, le gouvernement nouvellement nommé de Bernard Cazeneuve pourrait par un simple décret en conseil des ministres instaurer un nouvel état d’urgence pour douze jours. Ce qui offrirait autant de délais pour mener à son terme le travail parlementaire. Le vote par la majorité et une partie de l’opposition de la prorogation de l’état d’urgence ne fait guère de doute. Mais, alors que la campagne pour l’élection présidentielle a commencé, ce nouveau débat devant le Parlement pourrait donner lieu à une nouvelle surenchère sécuritaire.

Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour appeler à un retour rapide au droit commun et au respect de la Convention européenne des droits de l’homme. « Plus l’état d’urgence dure, plus le risque est grand pour la démocratie et les droits de l’homme », a mis en garde dans un entretien au Monde du 1er décembre le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks.