Le procès de Dominic Ongwen qui s’est ouvert, mardi 6 décembre, devant la Cour pénale internationale (CPI) devrait permettre de mieux cerner la personnalité et l’histoire de cette figure de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA). Victime ou bourreau ? Victime devenue bourreau ? A des milliers de kilomètres de La Haye, le commandant Amat Mounir se fiche pas mal des interrogations qui entourent le parcours du chef de guerre ougandais, de sa cavale meurtrière commencée par un rapt alors qu’il n’était encore qu’un enfant.

Cet officier de l’ex-Séléka, le groupe rebelle centrafricain qui avait pris le pouvoir à Bangui en 2013, n’a pas fini de ruminer son aigreur, près de deux ans après la capture de Dominic Ongwen en janvier 2015. A l’époque, le commandant Amat Mounir avait revendiqué l’arrestation de cet homme recherché depuis dix ans par la justice internationale et pour la capture duquel les Etats-Unis avaient promis une prime de 5 millions de dollars.

« Quand un chasseur nous a prévenus qu’il avait repéré un groupe de la LRA au niveau du village de Koto 3, nous sommes partis de Sam Ouandja [une localité du nord-est de la Centrafrique] avec 60 hommes pour les intercepter. Moi en tête ! », clame aujourd’hui encore le commandant Amat Mounir. « Après quinze à vingt minutes d’accrochages, nous avons arrêté leur chef. Nous l’avons reconnu tout de suite après, grâce aux photos des chefs de la LRA distribuées par les Américains », poursuit l’officier de l’ex-rébellion.

Précieux prisonnier

Prévenues par ses soins, les forces spéciales américaines, qui disposent depuis 2011 d’une base à Obo, dans le sud-est de la Centrafrique, afin d’appuyer les armées de la région dans la traque de la LRA, viendront récupérer le précieux prisonnier. « Ils sont arrivés avec deux hélicoptères, l’un s’est posé au sol et l’autre est resté dans le ciel. Ils nous ont dit qu’ils allaient amener ce qu’ils avaient promis pour la capture d’Ongwen. »

« Après, quand ils sont revenus, ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas nous donner d’argent liquide, car la Séléka est un groupe rebelle et que nous pourrions acheter des armes avec. On leur a dit d’accord, mais alors vous pouvez construire des écoles, un hôpital, une maison des jeunes, refaire la route, car il n’y rien ici ! Ils ont accepté mais n’ont rien fait. Ils ont seulement amené des tables et des bancs pour l’école et quelques médicaments », râle le milicien, avec la sérieuse impression de s’être fait avoir en n’obtenant pour seule récompense de la part des forces spéciales américaines « un tableau de remerciement que nous avons mis dans notre base de Sam Ouandja ».

En janvier 2015, l’apprenti chasseur de prime exprimait sa frustration avec des mots plus crus. « Si j’avais su, je l’aurais tué sur place », disait-il à l’endroit de Dominic Ongwen. Ce dernier, après son transfert à Obo où les armées américaines et ougandaises ont chacune installé leur base, avait affirmé dans un message diffusé par la télévision ougandaise s’être rendu volontairement aux forces américaines après que Joseph Kony, le chef de la LRA, eut voulu le tuer. Une version certifiée par Washington qui a toujours évoqué une reddition.

Une chose est certaine, en revanche, le transfert de Dominic Ongwen d’Obo à La Haye ne s’est pas fait sans difficulté. « Il y a eu beaucoup de mensonges, raconte une bonne source. Les Américains ont fait comme s’ils n’étaient mêlés à rien et les Ougandais ont fait croire à Ongwen qu’ils allaient le ramener au pays et l’amnistier, avant de l’envoyer finalement devant la CPI sur pressions de la Maison Blanche. Ce fut un jeu de dupes à tous les niveaux. » A ce sujet, dans son film documentaire Wrong Elements, dont la sortie en France est prévue le 22 mars 2017, Jonathan Littell montre une scène étonnante où, quelques minutes avant d’être embarqué dans un avion, Dominic Ongwen découvre que son avenir se jouera devant la justice internationale et non dans son pays natal. Pas sûr que le commandant Amat Mounir se console de ne pas être le seul à avoir été berné dans cette histoire.