Dans l’usine Bosch de Drancy (Seine-Saint-Denis), mardi 6 décembre. | Denis Cosnard

Aucune visite d’homme politique en période électorale. Telle est l’une des règles en vigueur chez Bosch. Tant pis ! Sans cela, l’usine de chauffe-eau que le puissant groupe allemand exploite à Drancy (Seine-Saint-Denis) aurait pu devenir un passage obligé pour tous les candidats à la présidentielle. A commencer par Arnaud Montebourg, le plus productiviste des socialistes. Alors que les relocalisations industrielles qu’il appelle de ses vœux depuis des années se révèlent extrêmement rares, le site de Drancy prouve qu’elles sont néanmoins possibles.

Dans cette ancienne usine d’ELM Leblanc, Bosch produit lui-même, depuis octobre, des corps de chauffe-eau. Ces composants essentiels étaient, jusqu’à présent, importés d’une autre usine de Bosch, celle de Manisa, en Turquie. A Drancy, les ouvriers se contentaient d’assembler des modules importés de divers pays. Désormais, certains effectuent des soudures et roulent une enveloppe en inox autour d’une pièce en fonte venue d’Allemagne, pour fabriquer ces corps de chauffe-eau. Il en sort deux toutes les trois minutes.

Le coût du travail reste évidemment bien moindre en Turquie. Mais le site français est davantage automatisé, donc plus productif. Compte tenu des coûts de transport, « cela nous revient moins cher de fabriquer cette pièce ici que de l’acheter auprès de notre usine turque », constate le directeur industriel, Laurent Tortrat.

L’industrie lourde demeure possible

Aussi le groupe a-t-il décidé de relocaliser cette production.

« Nous fabriquerons ici 60 000 corps de chauffe-eau en 2017 et 80 000 à terme, uniquement pour les besoins de l’usine », prévoit M. Tortrat.

Dans un troisième temps, Drancy pourrait même fabriquer ces équipements pour d’autres sites du groupe.

Dans l’immédiat, ce transfert ne se traduit pas par des embauches massives : il concerne seulement six emplois cette année. Mais il démontre que, sous certaines conditions, l’industrie lourde demeure possible dans un pays à coûts élevés comme la France. Et même aux portes de Paris, dans cette ancienne « ceinture rouge » où la désindustrialisation a sévi avec une violence particulière.

Les conditions ? Il s’agit avant tout de la productivité. Depuis des années, Bosch a multiplié les initiatives pour rendre son usine la plus efficace possible. Non seulement en automatisant ce qui peut l’être – des chariots sans pilote pour transporter les palettes vont encore arriver en mars 2017. Mais aussi en recourant à toutes les méthodes de travail et d’organisation éprouvées, notamment dans l’automobile, comme le « lean management ». Le résultat est là : depuis plus de cinq ans, la production par personne augmente en moyenne d’environ 7 % par an. L’activité de Drancy a ainsi fortement crû, alors que l’effectif restait à peu près stable, autour de 200 personnes.

Flexibilité

Depuis des années, Bosch a multiplié les initiatives pour rendre son usine la plus efficace possible. | Denis Cosnard

Second facteur-clé souligné par la direction : la flexibilité. Selon les mois de l’année, les commandes de chauffe-eau peuvent varier du simple au double, au gré du marché du bâtiment. Depuis cinq ans, Bosch a conclu des accords avec les représentants du personnel, afin d’annualiser le temps de travail et de faire fluctuer l’organisation selon les semaines. Chaque mardi, la direction informe les salariés du rythme de la semaine suivante.

En période haute, le samedi matin est travaillé et l’équipe du soir n’arrête qu’à 22 heures, au lieu de 21 heures.

« Le dispositif concernait initialement le personnel de production, on vient de l’étendre à toute l’usine, en signant un accord avec la CFDT et Force ouvrière », se réjouit le directeur général, Philippe Laforge.

Tous les trois mois, chaque usine Bosch reçoit une batterie d’indicateurs montrant où elle se place par rapport aux autres, en matière d’efficacité industrielle, d’absentéisme, d’accidents du travail, etc. « Pour le moment, Drancy est très bien classé, notamment par rapport aux sites de Turquie et du Portugal », souligne avec satisfaction François Vuillaume, un cadre présent sur place depuis 1983. Mais tous les trois mois, le titre est remis en jeu, et les investissements qui vont avec aussi. La productivité est un sport de combat !