Documentaire sur Arte à 20 h 55

Arte

C’était en 2000, à Essen, au cœur de cette Allemagne rhénane qui avait été si longtemps, pour elle, l’« autre » Allemagne. Angela Merkel avait alors 45 ans et, malgré une expérience ministérielle déjà longue auprès de Helmut Kohl, son accession, cette année-là, à la tête de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) fut un petit tremblement de terre politique. Une femme à la tête du parti conservateur ? Du jamais-vu. Originaire de l’ex-Allemagne de l’Est ? Encore plus inattendu.

Seize ans plus tard, alors que la CDU réunit une nouvelle fois son congrès à Essen, du lundi 5 au mercredi 7 décembre, Angela ­Merkel est toujours là. Toujours présidente du parti. Et sur le point de briguer un quatrième mandat de chancelière, à l’occasion des législatives de septembre 2017. Qui lui aurait prédit un tel destin ? Qui aurait imaginé que cette discrète fille de pasteur, longtemps regardée de haut par ses collègues, allait être considérée, un jour, comme la femme la plus puissante du monde ? C’est ce mystère que se propose de percer ce passionnant documentaire, pour lequel les auteurs ont interrogé plusieurs personnalités politiques de premier plan, parmi lesquelles Mme Merkel elle-même.

Etre sous-estimée, un atout

« Le charisme de cette femme réside dans le fait qu’elle n’en a aucun. » Ce jugement d’Heribert Prantl, journaliste au quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, est sans doute l’une des clés de cette ascension hors du commun. Il faut revoir ces images étonnantes de la jeune porte-parole adjointe du dernier gouvernement de la République démocratique allemande (RDA), petite main au look improbable, rétive à l’idée de se mettre en avant, étrangère aux codes de la haute politique. Et la façon dont, l’air de rien, pas à pas, elle a fini par se faire une place dans la cour des grands.

Mais cela n’explique pas tout. Car s’il est parfois avantageux d’être sous-estimé pour accéder au pouvoir – et, de ce point de vue, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec un François Hollande –, cela ne suffit pas pour le conserver durablement. Or c’est le cas de Mme Merkel, et cette prouesse-là, le documentaire tente également de la comprendre. En montrant notamment très bien comment elle a su à la fois écarter ses rivaux dans son propre camp et dévitaliser ses principaux adversaires, les sociaux-démocrates du SPD, en reprenant à son compte certaines de leurs idées.

: Angela Merkel pendant la conférence de la CDU en décembre 2015 à Karlsruhe | © MDR/Broadview TV/Jörg Junge

Or c’est le défi que Mme Merkel doit relever aujourd’hui : en brouillant les clivages politiques traditionnels – ce qu’a symbolisé, en 2015, sa décision d’accueillir en masse les réfugiés –, n’a-t-elle pas justement divisé la société allemande, elle qui, jusque-là, s’était efforcée d’éviter les sujets qui fâchent, avec pour corollaire un certain manque d’audace réformatrice ? Au risque d’hypothéquer son propre avenir politique ?

« Ce serait terrible si je ne me faisais jamais de souci ou si je n’avais jamais peur, explique la chancelière dans le documentaire. Comme je l’ai souvent dit, sauter d’un plongeoir de 3 mètres ou par-dessus un cheval-d’arçons en cours d’éducation physique me paraissait très difficile. Mais mon approche consiste, face à une situation problématique, à vouloir la surmonter et, donc, à essayer, avec tous ceux qui me soutiennent, de trouver une solution. » Une « solution » : c’est précisément ce que les Allemands attendent de Mme Mer­kel. D’ici aux élections, il lui reste dix mois pour la trouver.

Angela Merkel, dame de fer et mère bienveillante, de Matthias Schmidt et Torsten Körner (All., 2016, 90 min).