Le vaste projet de modernisation du groupe inquiète les syndicats, qui ont appelé à une journée de grève nationale jeudi 8 décembre. | Anthony MICALLEF/HAYTHAM-REA / Anthony MICALLEF/HAYTHAM-REA

Les syndicats CGT, SUD-PTT et UNSA de La Poste ont appelé les postiers à une grève nationale, jeudi 8 décembre, pour dénoncer « un déni » de la direction et « des négociations trop partielles » face au profond malaise des employés. A Paris, ils les invitent à se rassembler devant le Sénat, où devait se tenir dans l’après-midi un débat sur l’avenir du service de La Poste. La CFDT F3C ne s’est pas ralliée au mouvement « pour maintenir ouvertes des négociations réclamées depuis sept ans sur la modification des métiers dans la branche courrier », explique la secrétaire fédérale Aline Guérard. Les syndicats veulent obtenir l’ouverture de négociations pour tous les métiers du groupe et surtout sur l’emploi, qui conditionne le succès de la transformation de l’entreprise.

La Poste est engagée dans un vaste programme de transformation pour « devenir le premier opérateur de services à la personne ». Cette « révolution » impose une réorganisation tous les deux ans : un rythme « effréné » dénoncé par les experts du CHSCT, une mutation à « marche forcée », selon SUD. Les changements dans la nature des métiers et l’organisation du travail sur fond de suppressions d’emplois massives et régulières ont multiplié les situations à risques psychosociaux.

« Les cas de stress et de burn-out concernent tous les métiers »

C’est un collectif de postiers qui a alerté les syndicats à la mi-septembre d’une série de suicides de facteurs, dont trois ont été reconnus comme « accidents du travail » par la direction. Le malaise des postiers touche en priorité la branche services-courrier-colis, « mais on ne peut pas minimiser le malaise de ceux qui sont aux services financiers », remarque Valérie Mannevy, du collectif Poste CGT, la première organisation syndicale du groupe. « Les cas de stress et de burn-out concernent tous les métiers », souligne Nicolas Galepides, secrétaire général de la fédération SUD-PTT. L’absentéisme, dont le taux est de 6,65 %, existe dans l’ensemble du groupe. « Ces deux dernières années, ce sont plus de 7 000 emplois par an qui ont été supprimés. Aujourd’hui, La Poste a besoin d’un volant de remplaçants de 25 % et non de 10 % à 15 %, comme actuellement », estime Valérie Mannevy.

En réponse à l’alerte relayée par les syndicats puis par les médias, l’entreprise a réagi rapidement, mais sans remettre en cause la transformation en cours. Elle a ouvert, le 26 octobre, une « négociation nationale sur les métiers et les conditions de travail des facteurs et de leurs encadrants », dans le but affiché de mettre en place des « mesures concrètes et rapides pour les encadrants », comme la création de nouvelles fonctions – facteur polyvalent, facteur de services expert – pour améliorer le remplacement des postes vacants.

Mais cette nouvelle négociation, planifiée en trois séances plénières, s’est interrompue, le 21 novembre, dès la deuxième réunion : la CGT, SUD-PTT et l’UNSA ont claqué la porte, dénonçant un dialogue de sourds, des « mesurettes » et « un projet d’accord qui ne répond pas à l’urgence sociale », affirment-ils. « La direction a reçu la CGT en bilatéral le mercredi à 18 heures et, le lendemain, son projet d’accord [détaillé en 58 pages] était déjà prêt. Elle ne nous a pas écoutés. La Poste n’écoute pas ses salariés. C’est en train de prendre le même chemin qu’à France Télécom », s’offusque Valérie Mannevy, de la CGT.

Colère et exaspération sont largement partagées par SUD-PTT, la troisième force syndicale du groupe :

« On était sortis satisfaits de la première réunion plénière où la direction avait annoncé le gel des réorganisations, mais dès le lendemain, les manageurs de plusieurs départements nous disaient avoir reçu un mail leur signalant qu’ils n’étaient pas concernés ! Les réorganisations doivent être stoppées partout, pour commencer de vraies négociations », estime Nicolas Galepides.

La direction a lâché du lest

Dans un nouveau projet d’accord envoyé aux syndicats le 5 décembre au soir, trois jours avant la grève, et que Le Monde s’est procuré, la direction lâche du lest. Il ne s’agit plus de « permettre » aux facteurs de travailler sereinement, mais de leur « garantir un travail serein », le recrutement externe est renforcé et une nouvelle méthode d’évaluation de la charge de travail est définie pour tenir compte du travail prescrit, du travail réel et du travail vécu, « ce qui est ressenti par chacun », précise le texte.

« Le nombre de facteurs guichetiers passera de 500 à 1 000 en 2017, issus de la mobilité interne, et nous avons annoncé, d’ici à fin 2016, un recrutement supplémentaire de 500 facteurs en CDI, quelle que soit l’issue de l’accord », insiste Sylvie François, la DRH du groupe.

Le ton se veut rassurant. Mais pour SUD-PTT, « l’accord n’est pas à la hauteur ». La CGT parle de « langue de bois, qui ne répond pas à l’urgence de l’emploi ». Même la CFDT, qui ne s’inscrit pas dans la grève, juge le projet « en-deçà des attentes » et s’inquiète d’un calendrier trop serré. « Les recrutements externes devraient améliorer le taux de remplacement, mais ne suffiront pas », affirme Aline Guérard.

Les syndicats déplorent que les propositions de La Poste soient circonscrites à la branche services-courrier-colis. Des actions sont organisées jeudi sur tout le territoire pour le dire de vive voix à la direction. Les négociations restent ouvertes pour la troisième réunion plénière fixée au 19 décembre.