La quartier général d’Actelion, à Allschwil, en Suisse, en 2011. | FABRICE COFFRINI / AFP

Cela ressemble à un de ces essais cliniques comme les industriels de la pharmacie en mènent sans cesse. Sauf que celui-ci ne vise pas à vérifier l’efficacité d’un possible médicament. Il teste la résistance des dirigeants de laboratoires face à l’argent et aux marchés. Jusqu’où maintiennent-ils leur stratégie lorsque la pression s’accroît ? A quelle dose craquent-ils ?

Dans l’affaire Actelion, cette société suisse convoitée par Johnson & Johnson, Sanofi et peut-être d’autres, c’est Jean-Paul Clozel qui, le premier, a semblé prêt à fléchir. Avec quatre autres anciens de Roche, ce cardiologue français a fondé près de Bâle, il y a bientôt vingt ans, une société de biotechnologies qui a un pris un envol assez spectaculaire.

Régulièrement courtisé, le fondateur et patron d’Actelion affirmait jusqu’à présent qu’il n’était pas question pour lui, sa femme Martine et leurs amis de stopper une si belle aventure en vendant l’entreprise. Ils ont donc refusé les 70 francs suisses par action auxquels le fonds activiste Elliott voulait qu’Actelion soit cédé en 2011, de même que les 160 francs proposés en juin 2015 par Shire. Bien leur en a pris : aujourd’hui, le titre Actelion dépasse 210 francs suisses, ce qui porte la valeur de leur pépite à… 22,7 milliards de francs, soit 21 milliards d’euros !

Mais lorsque Johnson & Johnson a offert 246 francs puis, semble-t-il, 250 francs par action, M. Clozel n’a pas fermé la porte. Alors qu’il préférerait sans doute une forme d’alliance avec le géant américain, il a même entamé des pourparlers, a-t-il reconnu le 25 novembre. A quel prix pourrait-il faire une croix sur l’indépendance d’Actelion ?

« Discipline financière »

La question se pose en sens inverse pour les acheteurs. Olivier Brandicourt, le patron de Sanofi, a dit et répété qu’il souhaitait maintenir une stricte « discipline financière » en matière d’acquisitions. Pas question de surpayer ! Il envisage néanmoins une contre-offre sur Actelion, a révélé l’agence Bloomberg mardi 6 décembre. C’est que sa dernière cible, Medivation, lui a échappé. Et qu’Actelion, avec ses médicaments contre l’hypertension déjà commercialisés, ses molécules prometteuses, sa croissance et ses marges élevées, présente bien des charmes, même sans grandes synergies en vue. Problème : la facture s’annonce très salée, avec un prix représentant plus de 35 fois les profits d’Actelion attendus cette année. Cela obligerait Sanofi à s’endetter davantage. Jusqu’où M. Brandicourt peut-il monter sans contrevenir à la fameuse « discipline » qu’il a édictée ?

Johnson & Johnson, lui, pèse trois fois plus lourd que Sanofi en Bourse, et n’a pas de dette. Il dispose au contraire d’un trésor de guerre d’environ 20 milliards de dollars dans lequel il peut piocher. Sur le papier, c’est donc le laboratoire américain qui peut aller le plus loin. Mais les scientifiques le savent : les essais cliniques réservent souvent des surprises.