Les émissions d’oxydes d’azote sont mesurées sur une voiture Volkswagen, à Francfort, le 1er octobre 2015. | PATRICK PLEUL / AFP

Excédée par l’inaction des gouvernements européens à la suite du « dieselgate », Bruxelles a décidé de passer à la vitesse supérieure. Jeudi 8 décembre, elle devait lancer des « procédures d’infraction » contre sept pays de l’Union pour non-respect de la loi européenne en matière d’homologation des voitures neuves.

La Commission espère, de cette manière, que les capitales vont en finir avec les mises sur le marché de véhicules qui dépassent très largement les niveaux autorisés d’émissions d’oxydes d’azote (NOX, un des polluants du diesel). Et qu’elles vont enfin sanctionner les constructeurs qui, délibérément (ce fut le cas de Volkswagen) ou pas, bloquent ces émissions au moment des tests d’homologation.

Sont visés : l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Luxembourg, la Lituanie, la République tchèque et la Grèce. La France n’est pas dans le lot, non pas parce qu’elle n’a rien à se reprocher, mais parce que contrairement à l’Allemagne ou au Royaume-Uni elle n’a pas envoyé l’intégralité du rapport demandé par Bruxelles, à la suite des révélations du « dieselgate » par Volkswagen, en septembre 2015. Du coup, les services de la Commission n’ont pas suffisamment de matière pour prendre position.

Lettres de « mise en demeure »

Bruxelles devait envoyer des lettres de « mise en demeure » aux sept pays concernés jeudi. Ces derniers ont deux mois pour y répondre. S’ils n’obtempèrent pas, ou de manière insatisfaisante, la Commission enverra « un avis motivé ». La procédure peut aller jusqu’à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne.

Que reproche exactement la Commission aux Etats membres ? De ne pas avoir fait respecter une loi européenne de 2007 (une directive et un règlement) fixant les règles en matière d’homologation des véhicules neufs. Pour la Grèce, la République tchèque et la Lituanie, Bruxelles pointe l’absence dans le droit de ces pays d’un système de sanction des constructeurs, en cas de triche ou de négligences.

Concernant l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et le Luxembourg, c’est l’article 13 du règlement de 2007 qui n’a pas été respecté, selon Bruxelles. Cet article précise qu’en cas d’infraction (notamment la falsification des résultats des tests d’émissions, comme ce fut le cas pour Volkswagen) les Etats membres doivent sanctionner les constructeurs, et ces sanctions « doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives ».

Revoir les tests d’émissions

Or, ces derniers mois, assure-t-on à la Commission, l’Allemagne était réticente à l’idée de « punir » Volkswagen. La Commission reproche aussi à l’Allemagne et au Royaume-Uni leur manque de collaboration : elle réclame depuis des mois des informations supplémentaires, estimant que les rapports envoyés par les deux pays au printemps concernant le « dieselgate » ne sont pas complets.

Pour rappel, Bruxelles a la responsabilité de définir les protocoles des tests d’émissions pour l’homologation des voitures, mais c’est aux Etats membres que revient la responsabilité (par le biais de leurs agences nationales d’homologation) d’autoriser ou non la mise sur le marché des voitures ayant passé ces tests. C’est donc aussi à eux de vérifier la qualité du travail de leurs agences, et de sanctionner les constructeurs s’ils trichent.

Et si la Commission a montré bien peu de zèle, au début des années 2010, pour revoir ses tests d’émissions, alors que manifestement ils ne permettaient pas de mesurer avec précision les émissions en conduite réelle, les Etats, eux, ont largement fermé les yeux sur les pratiques de leurs constructeurs.

Les rapports envoyés à Bruxelles par le Royaume-Uni et l’Allemagne montrent en effet que, s’ils n’ont pas forcément triché comme Volkswagen, plusieurs constructeurs ont aussi utilisé des logiciels bloquant les émissions de NOX au moment des tests, alors que ces systèmes ne sont autorisés que dans des cas exceptionnels.

A Bruxelles, on rappelle aussi que la Commission a proposé, en janvier 2016, de nouveaux textes pour encadrer l’activité des agences nationales d’homologation et s’assurer de l’indépendance de leurs services techniques vis-à-vis des constructeurs. Mais, à ce jour, leur adoption patine : au Conseil européen, les Etats membres tardent à s’en emparer et, au Parlement de Strasbourg, les eurodéputés ont déposé plus d’un millier d’amendements, dont certains vident complètement le texte de sa substance…