Attablé à une terrasse de la place du Trocadéro, à Paris, en cette fin de soirée de décembre, l’homme enchaîne les cigarettes mentholées, dans le frimas de la terrasse parisienne. Un vin chaud pour s’adoucir la gorge, une petite écharpe pour se protéger, et un discours bien rôdé. « Sous le mandat du président Kabila, 10 000 km de route ont été construites et rendues praticables, le budget de l’Etat est passé en quinze ans de quelques centaines de millions de dollars à presque 10 milliards, les revenus douaniers ont grimpé de 100 millions à 2 milliards de dollars et la croissance est revenue. »

Germain Kambinga, ministre de l’industrie de la République démocratique du Congo (RDC) du gouvernement démissionnaire de Matata Ponyo, achève sa tournée médiatique en Europe. Une mission de quelques jours début décembre, confiée par le président Joseph Kabila, pour contre-balancer « le discours des opposants qui occupent les journaux occidentaux ». Un détour par Bruxelles, une viste à Londres et le voilà pour quelques heures à Paris. En main, le discours bilan de l’ancien premier ministre rempli des chiffres censés prouver « la bonne voie » empruntée par la RDC.

Hâtivement surnommé le « Macron Congolais » pour sa jeunesse (38 ans), son entrée surprise au gouvernement en 2014, sa formation en finance et son poste à l’industrie et au redressement productif, M. Kambinga, contrairement à son homologue français, n’a pas toujours soulevé l’enthousiasme des milieux d’affaires. « Il a beaucoup parlé mais on l’a peu vu à l’œuvre », constate sobrement l’un des pontes de la très influente Fédération des entrepreneurs congolais (FEC). La création d’une zone franche en bordure de Kinshasa pour les entreprises, d’un guichet unique pour les entrepreneurs, le projet de formation pour les jeunes que promeut le ministre, et « qui tient à cœur au président » ? « Comme beaucoup, il bouge plus qu’il n’agit », tranche le représentant de la FEC.

Tshsekedi, Goldorak et moi

A l’inverse du candidat Emmanuel Macron, M. Kabinga a déjà été élu député en 2011, dans les quartiers huppés de Kinshasa : « Avec mon niveau de lingala, que j’ai dû apprendre, dit-il, je ne pouvais faire campagne qu’à Gombe et Ngaliema. » Et l’homme demeure loyal envers son président. Accusé par la communauté internationale, comme par l’opposition, d’avoir fait « glisser » l’élection présidentielle de 2016 à 2018 pour se maintenir en poste, le chef de l’Etat peut compter sur Germain Kambinga pour relayer sa rare parole.

« Mais que voulez-vous qu’il dise ? Son sort est réglé par la Constitution, il ne va pas le repéter sans arrêt pour faire plaisir à je ne sais qui. » Son excellence a toutefois sa petite idée de comment doit évoluer le paysage politique congolais. Pour lui, l’avenir n’aura pas le visage d’Etienne Thishekedi, le leader vieillissant de l’UDPS « qui était déjà là quand Goldorak était diffusé à la télé », ni la voix de la Lucha ou Fillimbu « des mouvements qui charment l’étranger, ont connu leur heure de gloire à cause de la réaction de l’Agence nationale de renseignement, mais ne sont pas suivis par la jeunesse ». Non, l’horizon politique de la RDC se dégagera quand « les partis ne seront plus des écuries personnelles, dédiées à un leader, et c’est à nous la jeune génération de façonner cela ».

Passé par le Mouvement de libération du Congo de Jean-Pierre Bemba et administrateur de son groupe de presse avant de rallier la mouvance Kabila, M. Kambinga a une certaine idée de ses compétences. « Notre génération n’aura pas d’excuse, nous avons la même formation que les Européens, les mêmes diplômes, la même culture. C’est à nous de transformer le pays. » Transformer son pays est aussi l’ambition d’Emmanuel Macron. Qui partage avec Germain Kambinga un autre point commun : ils sont nés tous deux au moment où Goldorak apparaissait à la télévision française.

Joseph Kabila : « La RDC est prise en otage par une frange de la classe politique »
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