Jérôme Cahuzac lors de sa comparution devant le tribunal à Paris le 5 septembre. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

Des comptes en Suisse, à Singapour ou sur l’île de Man. L’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac, va être fixé sur son sort, jeudi 8 décembre. Ira-t-il en prison pour avoir fraudé le fisc français, quatre ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande ?

A l’issue de deux semaines de procès devant le tribunal correctionnel de Paris, le parquet a requis, en septembre, de la détention ferme contre les ex-époux Cahuzac, dénonçant « une vie familiale enracinée dans la fraude ». Le parquet national financier (PNF), né de cette affaire, a demandé trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité contre l’ancien maire de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) et ancien député socialiste et deux ans ferme contre son ex-épouse Patricia.

Ce scandale restera comme le premier accroc à la « République exemplaire » voulue par François Hollande : depuis, la France a renforcé ses outils contre la fraude, avec la création d’une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, un statut pour les lanceurs d’alerte, une agence anticorruption.

C’est aussi l’histoire d’un chirurgien saisi du virus de la politique, un ministre décrit comme brillant par ses collaborateurs et des élus de tous bords. Mais aussi, comme l’a crûment mis en lumière le procès, celle d’un fraudeur au nom de code « Birdie » qui se fait remettre dans la rue des liasses de billets provenant de ses comptes cachés.

Quand, en décembre 2012, le site d’informations Médiapart révèle que le ministre du budget a un compte en Suisse, Jérôme Cahuzac nie et s’enferre dans le mensonge. Il finira par démissionner le 19 mars 2013, avant d’avouer le 2 avril.

L’« hypothèse du trésor » des Rocardiens

Le patrimoine global dissimulé des époux Cahuzac est estimé à 3,5 millions d’euros. L’argent s’est retrouvé à hauteur de 600 000 euros sur le compte suisse de l’ancien ministre, transféré en 2009 de la banque genevoise Reyl vers la Julius Baer de Singapour ; à hauteur de 2,7 millions d’euros sur le compte de l’île de Man géré par son ex-femme ; et pour près de 240 000 euros de chèques versés sur les comptes de la mère de l’ex-chirurgien.

Contre le banquier suisse François Reyl et l’intermédiaire Philippe Houman, soupçonnés d’avoir « organisé l’opacité » des avoirs, le parquet a requis dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et 375 000 euros d’amende. Contre la banque genevoise a été demandé l’amende maximale (1,875 million d’euros) et l’interdiction d’exercer une activité financière en France pendant cinq ans.

Quatre ans après le séisme, Jérôme Cahuzac, 64 ans, a avancé l’explication surprise d’un financement politique, affirmant que le premier compte ouvert à l’Union des banques suisses (UBS) en 1992 était destiné à financer le courant de feu Michel Rocard. Cette « hypothèse du trésor » des Rocardiens, balayée par l’accusation comme « un mirage » de plus, permet, pour la défense, d’expliquer « la faute originelle » et toutes les autres transgressions.

Les ex-époux ont déjà payé leur dette au fisc d’un redressement majoré d’environ 2,5 millions d’euros. Reste la question de la prison. Si elle est condamnée, Patricia Cahuzac n’ira sans doute pas en détention compte tenu des possibilités d’aménagement de peine. En revanche, le risque est réel pour Jérôme Cahuzac.