Le nuage de pollution au-dessus de Paris, le 7 décembre. | FRANCOIS MORI/ AP

Les réponses aux principales questions que vous vous posez sur l’épisode de pollution aux particules fines de décembre 2016.

1. Cet épisode de pollution est-il plus grave que d’habitude ?

OUI

La concentration des polluants dans l’air varie au cours de l’année et dépend à la fois des niveaux d’émissions et des conditions météorologiques. On constate souvent des pics de dioxyde d’azote au début du printemps ou d’ozone en été. Depuis le 30 novembre, les niveaux élevés de particules fines, liés au chauffage au bois et au trafic, sont « bloqués » par des conditions anticycloniques et l’absence de vent qui piègent les polluants au sol. L’indice Atmo qui mesure la qualité de l’air est « mauvais » ou « très mauvais » depuis plus de dix jours.

Selon l’agence Airparif, qui mesure la pollution en région parisienne, cet épisode de pollution est le plus long et le plus intense observé en hiver depuis dix ans, les précédents remontant à janvier 2009 et décembre 2007.

Mais la région parisienne n’est pas la seule concernée par la dégradation de la qualité de l’air. Un «nuage» de pollution est observé dans l’ouest, autour de Bordeaux et sur la moitié est de la France, en particulier vers Troyes et dans le couloir rhodanien. Lyon a instauré vendredi 8 décembre la circulation alternée pour la première fois. A Paris, cette mesure a été prise pour quatre jours d’affilée, ce qui n’était encore jamais arrivé.

2. La situation va-t-elle s’améliorer rapidement ?

NON

La pollution déjà observée depuis plus d’une semaine n’est pas près de se dissiper. L’anticyclone installé sur l’Europe de l’Ouest devrait persister. Or il s’accompagne d’une absence de vent et entraîne un phénomène d’inversion de températures : le matin et le soir, l’air est plus froid au niveau du sol qu’en altitude et se trouve piégé, à moins de 100 mètres de haut. Les polluants s’accumulent dans cette couche d’air très mince.

La situation devrait s’améliorer provisoirement en fin de semaine. « Une petite perturbation devrait traverser le nord du pays et réduire le niveau de pollution, explique François Jobard, prévisionniste à Météo France. Mais après, la météo devrait repartir pour une quinzaine de jours sur un temps sec et peu venteux. »

3. Ces pics de pollution sont-ils vraiment dangereux pour la santé ?

OUI

Pour la plupart des gens, les pics de pollution ne sont pas perceptibles ou ne traduisent que par des gênes légères : toux, irritation de la gorge et des yeux… Des symptômes assez proches des rhumes ou autres maladies bénignes de l’hiver. En revanche, les personnes sensibles, les très jeunes enfants ou les personnes âgées, peuvent développer des affections respiratoires ou cardiovasculaires.

C’est surtout à long terme que réside le danger. A cet égard, la pollution chronique est aussi dangereuse que les pics observés actuellement. Les particules fines, d’un diamètre inférieur à 10 micromètres (PM10) ou à 2,5 micromètres (PM2,5), pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire et les autres organes, en particulier le cœur, augmentant le risque d’affections cardiovasculaires ou de cancers du poumon. Elles sont aussi capables de traverser la barrière placentaire, ce qui signifie que les fœtus sont potentiellement exposés. Selon une étude de Santé publique France, la pollution aux particules fines provoque 48 000 morts par an, soit autant que l’alcool, et réduit jusqu’à deux ans l’espérance de vie.

4. La circulation automobile est-elle seule responsable ?

NON

Les « particules fines » se définissent par leur taille (PM10, dix fois plus fine qu’un cheveu, PM2,5 de la taille d’une bactérie) et non par leur composition chimique, car elles peuvent avoir des origines très différentes. Certaines sont produites par la nature – érosion, éruption volcanique – mais la plupart proviennent des activités humaines : industrie extractive, chauffage, transport automobile, utilisation d’engrais dans l’agriculture…

Dans les villes, les concentrations de polluant sont très élevées près des axes routiers. Pourtant, selon Airparif, le trafic automobile ne représente que 28 % des émissions de PM10 à Paris et dans sa proche banlieue, à peine plus que le chauffage des particuliers et des entreprises (26 %). Le bois, en particulier, qui ne représente que 5 % du chauffage, émet 88 % des particules fines du secteur, selon une étude réalisée en 2010.

Outre des restrictions de circulation, la préfecture de police de Paris a interdit « l’utilisation du chauffage individuel au bois d’appoint ou d’agrément », durant le pic de pollution. L’usage des cheminées aurait dû être banni dans la capitale en 2015, mais la mesure a été annulée par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, qui la jugeait « excessive » et « ridicule ».

Une étude scientifique vient de montrer que dans les vallées de Haute-Savoie, le chauffage au bois émet 85 % des particules fines, bien loin devant le trafic ou l’industrie.

5. La pollution actuelle vient-elle d’Allemagne ?

NON

L’accusation revient à chaque épisode de pollution : les particules fines en région parisiennes viendraient des centrales à charbon allemandes. L’argument a été repris dernièrement notamment sur Twitter :

Selon Airparif, la grande majorité (44 %) de la pollution observée en Ile-de-France a une origine locale, 17 % proviennent de l’agglomération et 39 % de la région ou des pays voisins. Il est donc possible que la pollution d’Allemagne, des Pays-Bas ou de Belgique arrive en France, poussée par des vents d’Est. Toutefois, sur notre territoire, les vents d’ouest sont largement dominants : sur l’année, on envoie plus de particules fines vers l’Allemagne que l’inverse.

Les experts précisent toutefois que cet épisode de pollution de décembre 2016 « est peu lié à des transferts de pollution » mais provient de sources locales, accentuées par l’anticyclone marqué.

6. La circulation alternée, est-ce vraiment efficace ?

MOYENNEMENT

La préfecture de Paris a mis en place mardi 6 décembre, et reconduit jour après jour jusqu’à vendredi 9 décembre, la circulation alternée dans l’agglomération parisienne. Les jours pairs, seules les automobiles ayant un nombre pair sur leur plaque sont autorisées à rouler, et inversement les jours impairs, hors dérogation. Lyon l’a fait aussi le vendredi. Ces mesures de restriction n’avaient été instaurées que trois fois depuis 1997.

Jusqu’à présent, l’effet sur les niveaux de pollution avait été immédiat et la circulation alternée n’avait duré qu’une seule journée. Cette fois, le résultat est moins probant. En 2014, les émissions avaient baissé de 18 % à Paris, alors que le 6 décembre, la baisse n’a été que de 5 à 10 %, selon Airparif.

En Ile-de-France, alors que les transports en commun ont été très perturbés mardi et mercredi, les automobilistes ne semblent pas avoir renoncé à leur voiture : un pic de 415 kilomètres de bouchons a été observé jeudi, contre 300 habituellement. Un appel au « civisme » a été lancé.

Pour les contrevenants, la sanction est assez faible (22 à 75 euros) d’amende et les contrôles peu fréquents : 2 600 contrôles et moins de 600 infractions constatées mercredi.

7. Y a-t-il un lien entre pollution de l’air et changement climatique ?

PARTIELLEMENT

La pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre sont deux phénomènes distincts. La première a des effets locaux et visibles sur la santé et l’environnement, alors que le second agit au niveau mondial en provoquant un changement climatique plus lent et insidieux. Toutefois, les deux sont provoquées par les activités humaines : transport, chauffage, agriculture, industrie… Un polluant comme l’ozone a des effets à la fois sur la qualité de l’air et sur le réchauffement, comme l’explique Airparif. Les changements climatiques, en intensifiant les épisodes de canicule, peuvent accentuer les épisodes de pollution.

A l’inverse, dans certains cas, la lutte contre le réchauffement climatique peut être contre-productive pour la qualité de l’air. Par exemple, les voitures au diesel sont avantagées en France car elles émettent moins de CO2, alors qu’elles produisent des particules fines. De même, le chauffage au bois est encouragé, car c’est une énergie durable et moins émettrice que le pétrole ou le gaz, mais il est mauvais pour la qualité de l’air. L’arbitrage est parfois malaisé.

8. Dans sa voiture, est-on moins exposé à la pollution que dans la rue ?

NON

L’automobiliste qui provoque la pollution est aussi le premier à la subir, car l’air vicié entre dans son habitacle, surtout dans les embouteillages, et se renouvelle peu. La concentration en monoxyde de carbone est particulièrement élevée, selon l’observatoire régional de l’air en Midi-Pyrénées (Oramip). Le bus, plus « aéré », est moins pollué.

En revanche, dans le métro, l’air est pollué par des particules fines dues aux poussières de frein (jusqu’à 500 microgrammes par mètre cube à l’heure de pointe, soit dix fois plus que la norme).

Finalement, la marche à pied ou le vélo, loin des grandes artères de circulation, semblent la meilleure manière de se déplacer en évitant la pollution. Il faut toutefois rouler ou marcher à allure modérée, car l’exercice physique intense fait pénétrer davantage l’air pollué dans les poumons.

On peut aussi choisir de rester chez soi, tout en étant conscient que l’air intérieur n’est pas exempt de pollutions (combustion de cuisine, parfums et désodorisants, émanation de peintures ou meubles…).

9. La pollution de l’air est-elle une fatalité ?

NON

La question de la qualité de l’air n’émerge vraiment dans le débat public que lors des pics de pollution, alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur (48 000 morts évitables…). Des solutions ont déjà été mises en place ou s’installent progressivement en France :

  • les normes Euro pour les émissions des voitures ;

  • des aides financières pour acquérir des véhicules propres (électriques, hybrides) ;

  • l’interdiction des véhicules les plus polluants dans les centres-villes (les vignettes Crit’Air seront obligatoires en janvier à Paris) ;

  • la limitation de la vitesse en ville ;

  • le réaménagement des circulations pour éviter les autoroutes urbaines ;

  • des incitations financières à renouveler les appareils de chauffage ancien ;

Toutefois, une grande partie de ces mesures peinent à se mettre en place notamment en raison des pressions de l’industrie automobile.