Un train, entre Saint-Pierre-des-Corps et Vierzon, le 18 novembre. | GUILLAUME SOUVANT / AFP

C’est une semaine cruelle pour le rail français. Alors que les grandes villes françaises étouffent sous la pollution, le secteur ferroviaire, qui devait venir au secours des usagers privés de leur voiture lors de la circulation alternée imposée dans plusieurs villes, connaît une série noire.

La rupture de caténaire qui a immobilisé, mardi 6 décembre, une partie des lignes B et D du RER ou le blocage quasi complet de la gare du Nord, mercredi, ont été les premiers épisodes les plus spectaculaires. Jeudi, c’est le fret ferroviaire, bien plus vertueux au niveau de la pollution que les poids lourds, qui s’est rappelé au bon souvenir du grand public.

Euro Cargo Rail, la division française de la Deutsche Bahn spécialisée dans le fret ferroviaire, a annoncé, jeudi 8 décembre, un plan social. Trois cents postes vont être supprimés, soit un quart de ses effectifs dans l’Hexagone. Depuis 2013, la société a cumulé 63 millions de pertes.

Un simple problème de gestion ? Si c’était aussi simple… La grève du printemps de la SNCF a notamment plombé les comptes de la société, mais pas seulement. La concurrence des transporteurs routiers, aidés par la baisse du gazole, est rude. Et aucune société de fret ferroviaire ne gagne aujourd’hui d’argent en France.

Cela a des conséquences fatales. En avril, Combiwest, une société bretonne de fret ferroviaire agricole, a mis la clé sous la porte. La filiale d’Eurotunnel, Europorte, lutte pour être à l’équilibre. Quant à Fret SNCF, l’ancien monopole public, il ne relève toujours pas la tête. Sonné par l’ouverture du marché en 2006, il n’a jamais connu autre chose que des pertes depuis dix ans, ce qui explique deux tiers de la dette actuelle de SNCF Mobilité – qui culmine à plus de 7 milliards d’euros. En 2016, la société publique prévoit encore de perdre 120 millions d’euros, contre une prévision initiale de 50 millions d’euros de déficit ! Et ses effectifs fondent toujours comme neige au soleil.

Equilibre financier plombé

Alors qu’en 1947, l’âge d’or du fret ferroviaire, 75 % des marchandises transitaient en France par le rail, le taux est passé sous la barre de 15 %. Qu’il paraît loin, le Grenelle de l’environnement de 2007 et sa grande ambition pour la relance du fret ferroviaire à l’horizon 2020 ! Qu’elle manque cruellement, cette écotaxe jetée aux oubliettes par Ségolène Royal, la ministre du développement durable ! Cette taxe sur le transport routier devait financer la rénovation du réseau ferroviaire et soutenir la renaissance du fret.

Le régulateur du rail veut renforcer l’encadrement de la dette de SNCF Réseau

L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a rendu, mercredi 7 décembre, un avis attendu sur le projet de décret dit « règle d’or », qui plafonne la dette de SNCF Réseau, la société chargée de l’entretien et de la construction des voies ferrées. Or, le gendarme du rail estime que le gouvernement doit revoir sa copie. Cette règle, votée en 2014 par le Parlement, stipule que SNCF Réseau n’a pas le droit de s’endetter au-delà de dix-huit fois sa marge opérationnelle.…

Si l’Etat subventionne largement ces investissements, les sociétés de fret ont également dû mettre la main à la poche, en acquittant des péages plus importants pour utiliser le réseau. Cela plombe leur équilibre financier. Pis, le millier de chantiers annuels de régénération de l’infrastructure sont le plus souvent organisés la nuit, quand les trains de fret sont censés circuler. Comme pour les passagers, il faudra encore attendre dix ans pour les entreprises de fret pour que le réseau soit plus fonctionnel. Pour certaines, cela risque d’être trop long.