Des étudiants de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon aident des élèves au lycée Jacques Brel de Vénissieux, en 2010. AFP PHOTO PHILIPPE MERLE / AFP PHOTO / PHILIPPE MERLE | PHILIPPE MERLE / AFP

Pierre Mathiot est délégué ministériel aux parcours d’excellence et professeur des universités à Sciences Po Lille. Alors directeur de cet établissement, il avait créé le programme PEI, une préparation aux concours des Instituts d’études politiques destinée aux élèves de condition modeste. Sa mission actuelle a pour objectif le renforcement de l’accompagnement des jeunes les plus fragiles vers l’enseignement supérieur.

Le système éducatif français fonctionne comme « une ­machine à sélectionner ». Quelles en sont les victimes ?

L’histoire de notre système éducatif est imprégnée par l’élitisme et, en miroir, par des formes marquées de dévalorisation des parcours de formation qui ne le ­seraient pas. Toutes les études montrent que les victimes en sont d’abord et avant tout ceux qui ne maîtrisent pas les codes de l’institution scolaire. Ils sont rapidement mis dans des « cases » et assignés en quelque sorte à suivre des parcours considérés comme secondaires. Il s’agit donc d’abord et surtout des enfants de familles pauvres, issues ou non de l’immigration.

Cela fait trente-cinq ans que les zones d’éducation prioritaire (ZEP) ont été créées et que les politiques d’ouverture d’accès à l’enseignement ­supérieur se succèdent. Cela n’a pas suffi…

Les études montrent que les ­politiques d’éducation prioritaire ont permis globalement de sta­biliser les situations d’inégalité, pas de les réduire. Si on doit chercher des explications à cela, on peut évoquer le manque de stabilité dans la durée de ces politiques, un ciblage sans doute insuffisant au profit des territoires les plus relégués jusque récemment, mais aussi les « efforts » conduits par les familles dites aisées pour maintenir l’écart avec les autres enfants : cours ­privés, coaching…

Comment briser les plafonds de verre que constituent les origines sociales, géographiques, communautaires ou le genre ?

Ces enjeux sont majeurs pour la société française de demain car ils renvoient à diverses formes de plafonds de verre, certains, d’ailleurs, se cumulant. Les solutions sont complexes et, à l’évidence, variées. Elles passent, me semble-t-il, par la stabilité dans la durée des politiques publiques, de leurs objectifs, de leurs financements et par la mise en réseau des acteurs qui se mobilisent sur le terrain au sein de l’éducation nationale et dans son environnement. Il faut vraiment franchir un cap quantitatif et accompagner beaucoup plus de jeunes qu’on ne le fait aujourd’hui.

La politique des Cordées de la réussite concerne 80 000 collégiens et lycéens, très éloignés du nombre de lycéens ou de collégiens boursiers. Quels sont les outils qui pourraient massifier le décloisonnement de l’enseignement supérieur ?

Le pari que nous essayons de relever avec les parcours d’excellence et les Cordées de la réussite consiste à passer de programmes d’accompagnement qui s’apparentent à de l’artisanat de qualité à des programmes qui s’industrialiseraient, sans perdre au passage ce qui fait leur force : le contact avec le terrain et la très bonne connaissance de ce qui s’y passe. Cela suppose clairement que l’on fasse confiance aux divers acteurs et que le politique sache donner du temps au temps.

Participez à O21, s’Orienter au 21e siècle

O21 vous propose quatre rendez-vous – à Lille (6 et 7 janvier 2017, au Nouveau Siècle), à Cenon (dans l’agglomération bordelaise, les 10 et 11 février au Rocher de Palmer), à Villeurbanne (les 15 et 16 février) et à Paris (4 et 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie). Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants pourront échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants, qu’ils soient de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up. Vous pouvez vous inscrire à l’édition lilloise en suivant ce lien.

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Seront également diffusés, à cette occasion, des entretiens en vidéo réalisés avec trente-cinq personnalités de 19 à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orientation pour les 16-25 ans leur vision du futur.

Placé sous le haut patronage du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, O21 est également soutenu, au niveau national, par quatre établissements d’enseignement supérieur (Audencia, l’Essec, l’Epitech, et l’alliance Grenoble école de managementEM Lyon). Localement, l’événement est porté par les conseils régionaux des Hauts de France, de Nouvelle Aquitaine et d’Ile-de-France, les villes de Cenon et de Villeurbanne et des établissements d’enseignement supérieur.