Les implants de stérilisation définitive Essure, soupçonnés de causer des troubles variés (neurologiques, musculaires, hémorragiques…), font l’objet d’une première action en justice en France dirigée contre les laboratoires Bayer Healthcare, selon l’avocat de deux femmes. Aux Etats-Unis, un millier de femmes ont déjà porté plainte contre le fabricant, expliquait à la fin d’octobre le magazine féminin Causette sur son site.

« On lance deux assignations en référé contre Bayer pour deux patientes qui ont porté un temps le dispositif Essure et souhaitent qu’un expert se prononce sur le lien de cause à effet entre le dispositif et leurs pathologies, a déclaré vendredi 9 décembre Me Charles Joseph-Oudin, confirmant une information du Parisien. Nous sollicitons que Bayer prenne à sa charge les frais d’expertise, puisque nous sommes dans un dossier où, manifestement, les pathologies de mes clientes font partie des effets indésirables notoires du produit. »

Me Joseph-Oudin, qui a déjà défendu des victimes du Mediator, a précisé que ces actions seraient lancées devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Bayer s’est dit vendredi soir « attentif aux témoignages de patientes » en évoquant des « allégations formulées dans la presse ». Le laboratoire assure collecter et analyser toutes les données sur les événements indésirables qu’il reçoit et travailler « en étroite collaboration avec les autorités sanitaires ». Bayer fait toutefois valoir que « la sécurité et l’efficacité de la méthode Essure ont été confirmées par plus d’une décennie de recherches scientifiques, ainsi que par l’expérience clinique de vraie vie, avec un large nombre de femmes incluse dans les études (plus de 10 000 femmes) depuis son développement ».

240 000 implants vendus en France

La contraception définitive et irréversible Essure est une méthode de stérilisation consistant à introduire, par les voies naturelles, des mini-implants dans les trompes pour déclencher une cicatrisation qui les obstrue. La pose se fait dans la majorité des cas sans anesthésie générale. Depuis 2001, environ 1 million d’unités du dispositif médical Essure ont été vendues dans le monde, dont 240 000 en France, selon le laboratoire.

Troubles hémorragiques, mais aussi troubles neurologiques avec parfois paralysie temporaire ou permanente, douleurs du dos ou de la nuque, troubles ORL (épisode de surdité…) font partie des maux en cause. Une des explications à ces troubles serait l’allergie au nickel, qui entre dans la composition d’Essure, avance Me Joseph-Oudin. Il évoque par ailleurs un volet portant sur des « problèmes de perforation ou de mauvaise pose du produit » dans ses dossiers à venir.

Me Joseph-Oudin défend notamment Marielle Klein, qui a fondé en juin l’association Resist (Réseau d’entraide, soutien, d’informations sur la stérilisation tubaire) pour venir en aide aux victimes de cette méthode. Mme Kein a également lancé une pétition contre Essure, qui approche déjà 60 000 signataires. L’association sollicite « la suspension » de la commercialisation du produit « dans l’intérêt des patientes et en application du principe de précaution, le temps que les études annoncées en France [par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), dont les résultats sont attendus en 2017] et à l’étranger [celles que la Food and Drug Administration, l’autorité sanitaire américaine, a demandées en février à Bayer] soient réalisées et les résultats rendus publics ».

« Sous surveillance renforcée depuis deux ans »

Les signalements d’effets secondaires concernant ces implants Essure sont passés « de 42 en 2012, à 242 en 2015 », puis à 162 entre janvier et octobre 2016, dit l’agence sanitaire ANSM, sans préciser le nombre de perforations dues à un implant qui s’est déplacé dans le corps ou d’hystérectomie (ablation de l’utérus) liée à des complications. « L’ANSM ne dispose pas d’élément, à ce stade, permettant de remettre en cause le rapport bénéfice/risques » d’Essure, selon le ministère de la santé, qui précise vendredi que le dispositif est « sous surveillance renforcée depuis deux ans ».

Selon une enquête de l’ANSM en 2015, « les complications signalées relevaient de la pratique de pose et non du dispositif Essure en lui-même ». Sa pose a été encadrée et réservée à certains établissements, note encore le ministère dans un communiqué.