• Alberto Sordi

Coffret  Alberto Sordi, « L’Albertone  ». | Tamasa

Un des plus grands acteurs du cinéma transalpin. Venu du music-hall et de la radio, Alberto Sordi aura incarné, au long d’une carrière qui dura cinq décennies, l’Italien moyen, souvent romain, veule ou victime, jouet des événements ou monstre de cynisme, parfois les deux. Le coffret DVD proposé par Tamasa réunit cinq films majeurs dans lesquels il tient le rôle principal, cinq titres signés chacun d’un réalisateur différent, représentatif de ce que l’on appelle la comédie à l’italienne. Le génie de Sordi est ainsi mis au service d’un regard à chaque fois singulier et précis, toujours personnel. Luigi Zampa est ainsi l’auteur de Il Vigile (1960). Observateur froid et désenchanté de la corruption régnant dans l’Italie d’après-guerre, il transforme Sordi en agent de la circulation, promesse de promotion sociale pour son personnage qui verra sa candeur aveugle (ne pas savoir à quel moment la loi ne doit plus être un impératif et à quel moment elle doit l’être) lui compliquer la vie. Une vie difficile (1961) de Dino Risi fait de Sordi, le petit bourgeois traversant les années cruciales de l’après-guerre, ce moment de renaissance économique de l’Italie, et payant le prix d’une amère désillusion. Il incarne un contremaître d’origine sicilienne dans Il mafioso (1962) que la mafia contraint à commettre un meurtre, récit atroce et sarcastique. Dans L’Argent de la vieille (1972), c’est le prolétaire romain confronté à une guerre de classe qui prend l’allure de parties de cartes avec une riche américaine (Bette Davis). Dans Détenu en attente de jugement (1971), signé de Nanni Loy, il connaît le destin kafkaïen d’un malheureux géomètre emprisonné pour un délit qu’il ignore et confronté à la dureté des conditions carcérales de l’Italie d’alors. Les cinq films présentés, s’ils témoignent chacun d’un style particulier, ont une qualité en commun : la cruauté. Pour cela, il fallait aussi le génie d’une des plus grandes stars masochistes de l’histoire du cinéma.Jean-François Rauger

1 coffret de 5 DVD Alberto Sordi L’Albertone Tamasa

  • La Colline a des yeux de Wes Craven

Tourné en 1977, deux ans à peine après la fin de la guerre du Vietnam, dans une zone qui fut longtemps le terrain d’essais nucléaire, La Colline a des yeux met une famille américaine en goguette aux prises avec une tribu de cannibales aux visages patibulaires, voire totalement inhumains. Vivant dans des cavernes entre les mygales et les serpents à sonnettes, ces sauvages qui se font appeler par des noms de dieux grecs incarnent une vision cauchemardesque des origines de l’Amérique et des mythes sur lesquels ce pays s’est fondé. Ce survival à l’imaginaire fertile et déglingué qui voit les victimes déployer une sauvagerie tout aussi grande que leurs agresseurs dépeint le mal comme une force viscéralement nichée au cœur de l’Amérique, et de la structure familiale. Il est accompagné ici de sa suite, La Colline a des yeux 2, réalisée en 1985 (moins intéressante), d’un documentaire sur Wes Craven et de nombreux bonus, ainsi que d’un petit livre de Marc Toullec, Le Droit à l’horreur. Isabelle Regnier.

3 DVD. 1 Livre. Program Store

  • Les Pionniers de l’animation

Coffret 4 DVD Les Pionniers de l’animation | Lobster

Parfaitement calibré pour le sapin de Noël, ce pot-pourri du cinéma d’animation de la première moitié du XXe siècle manque sans doute quelques suppléments éditorialisés pour justifier des choix qui ne semblent qu’à moitié en être, mais le plaisir de s’y plonger n’en est pas moins appréciable. Des fantaisies graphiques d’Emile Cohl aux aventures chatoyantes de Superman, des émouvants centaures de Winsor McCay aux œillades de Betty Boop, des rodomontades de Popeye aux aventures de Gulliver au pays des Lilliputiens, la liste des films est très longue, et du meilleur goût. On recommande tout particulièrement le formidable Cendrillon de Walter Lanz. Réalisé en 1925, ce petit film où le réalisateur se met en scène dans le rôle de l’odieux personnage qui empêche la jeune Cendrillon d’aller au bal, où le prince charmant a des allures de petit marin gouailleur et l’héroïne un look de flapper gironde, se distingue par une irrévérence charmante et un peps tout ce qu’il y a de plus sexy. I.R.

4 DVD. Lobster.

  • King Hu, Dragon Inn et A Touch of Zen

Eclats de lumières, jaillissements de couleurs, mouvements de corps gracieux, insaisissables, tout en arabesques furtives, végétation fantastique, paysages magiques… Réalisés respectivement en 1967 et en 1970, à Taïwan, Dragon Inn et A Touch of Zen témoignent de l’extraordinaire sens plastique et rythmique de leur auteur, King Hu, dont l’influence sur le cinéma asiatique (Tsui Hark, Tsaï Ming-liang…) et même mondial (Tigres et Dragons, de Ang Lee) est immense. Dans ces deux chefs-d’œuvre du wu xia pian (équivalent chinois du cinéma de cape et d’épée), la profusion de mouvements et d’intrigues gravite autour de personnages de guerrières magnifiques. Mais alors que Dragon Inn est principalement tourné à l’intérieur d’une l’auberge où se condense tout le spectre du genre, l’action de A Touch of Zen est éclatée dans des espaces ouverts et une temporalité discontinue, qui le font tendre vers une forme d’abstraction sublime. Préfacés par Pierre Rissient, artisan de la découverte de King Hu en Occident, les films sont accompagnés de divers bonus, et notamment d’un documentaire consacré au cinéaste. I.R.

2 Blu-Ray, 1 DVD. Carlotta, 39, 99 euros.

  • La Tortue rouge

Coffret « La tortue Rouge », Edition Prestige Blu-Ray + DVD, CD de la bande originale du film et artbook. | WILD SIDE

Pour ceux qui n’auraient pas eu cet été l’occasion de découvrir en salles le film d’animation de Michael Dudok de Wit, prix spécial à Cannes dans la sélection Un certain regard, ou ceux qui rêvent désormais de faire découvrir ce trésor à d’autres, cette superbe édition prestige fait un cadeau de choix : en sus de la bande originale feutrée et enveloppante composée par Laurent Perez Del Mar et de bonus soignés (dont trois courts-métrages de Michael Dudok de Wit et une passionnante leçon de dessin du maître, qui pointe en menus coups de crayon les changements radicaux qu’un détail peut faire subir à la charge expressive d’un corps ou d’un visage), on y trouve un artbook d’une richesse bien supérieure à la norme des coffrets de fin d’année. Imprimé dans un large format 21 × 30cm, ce foisonnement (200 pages) de dessins et de matériaux préparatoires en tous genres est une invitation irrésistible à se (re)plonger, en même temps que dans le film, dans le mystère de la fabrique animée des rêves. Noémie Luciani

Edition Prestige Blu-Ray + DVD, CD de la bande originale du film et artbook. Wild Side.

  • Histoire de ma vie racontée par mes photographies

S’il y a un cadeau stupéfiant pour Noël c’est bien celui-ci : Boris Lehman, le pape du cinéaste expérimental belge à la première personne, diariste et essayiste depuis l’âge de 14 ans, tournant chaque jour que dieu fait, la caméra collée à la main, en 8 ou en 16. Le coffret de ce jour cantonne cette œuvre-fleuve à un film, assorti d’un livre qui en est le pendant. Réalisé en 2002, Histoire de ma vie racontée par mes photographies est un travail de cinéma sur la photo, une tentative d’ordonnancement et de développement, par le film, d’une archive personnelle résumant sa vie en centaine de milliers de contacts. En vérité, le médium photographique – que Lehmann trimballe avec lui pour le présenter aux personnes chères jadis photographiées – sert dans le film à retisser de la rencontre, du ressouvenir, de l’émotion partagée, nonobstant son éternel air à lui de sphynx souriant dont le secret tient tout entier dans l’image. Jacques Mandelbaum

1 DVD, 1 livre. Ed. Re-voir, 32 euros.

  • Jacques Tati, l’intégrale

Coffret Jacques Tati, l’intégrale. | STUDIOCANAL

Vous voulez faire dans l’indémodable, le fantasque hors cadre, l’art comique à son zénith, le génie pur jus ? Payez-vous cette intégrale Tati, en Blu-ray, dans son noir et sobre coffret. Six longs-métrages (de Jour de fête en 1949 à Parade en 1974), sept courts-métrages, moins connus que les précédents, écrits ou réalisés par le maître, à commencer par On demande une brute, réalisé en 1934 par Charles Barrais, écrit par le grand Jacques. Ajoutez-y les bonus filmés de Stéphane Goudet, subtil exégète, et un livret sur la restauration de ces chefs-d’œuvre. Quelques alternatives moins onéreuses existent toutefois. Le même coffret en DVD, mais sans le livret. Ou cette formule destinée notamment aux plus jeunes, Le Monde de Monsieur Hulot, qui comprend en réalité 3 films (Le Monde de monsieur Hulot, Mon oncle et Parade) et un livret de jeux pour enfants illustré par David Merveille. J. Ma.

Jacques Tati, l’intégrale en blu-ray avec livret de 56 pages., 74,99 euros (en DVD, 49,99 euros). Le Monde de Monsieur Hulot, 3DVD Studiocanal, 19,99 euros.

  • Trésors du cinéma yiddish

La cinématographie yiddish offre l’exemple rare, sinon unique, d’un cinéma qui aura à peine eu le temps de se développer (une centaine de films produits principalement entre la Pologne et les Etats-Unis) avant que l’Histoire avec sa grande hache n’éradique ses spectateurs naturels, les communautés yiddishophones d’Europe de l’Est. Quatre films (sans compter les courts-métrages des bonus) sont aujourd’hui tirés de l’oubli. Mir kumen on du grand cinéaste polonais Aleksander Ford (Nous arrivons, 1936), chronique documentaire de la vie dans un sanatorium juif socialiste destiné aux enfants. Der Dybbuk de Michal Waszynski (1937), chef-d’œuvre expressionniste puisé aux sources traditionnelles, évoque le cas de possession d’une jeune fille dont l’amour a été contrarié. Tevye the Dairyman est réalisé aux Etats-Unis par Maurice Schwartz (Tévyé le laitier, 1939), adapté d’un classique de la littérature yiddish qui confronte le personnage principal à la dissolution de l’univers traditionnel. Lang ist der Weg (La route est longue, 1949) d’Herbert B. Fredersdorf et Marek Goldstein, réalisé en Allemagne, est enfin un des premiers films à évoquer la souffrance des survivants et des personnes déplacées au sortir de la guerre. J.Ma.

4 DVD et un livret. Lobster Films, 30 euros.

  • Frederick Wiseman intégrale, vol. 2 (1980-1994) & vol. 3 (1995-2015)

Coffret Frederick Wiseman intégrale, vol.2 (1980-1994) & vol.3 (1995-2015). | BLAQ OUT

Suite et fin de l’édition au long cours de l’œuvre intégrale du documentariste américain Frederick Wiseman, en deux nouveaux coffrets contenant ses 27 derniers films, soit plusieurs dizaines d’heures de programme. L’exposé quantitatif ne dira pourtant jamais assez l’importance d’une telle somme, le cinéaste ayant poursuivi, sur désormais plus de cinquante ans, la description la plus étendue, complète, précise, persévérante de la société américaine à l’ère de sa modernité technique et administrative. Le deuxième volume, sorti cet été, retrace le passage du cinéma de Wiseman à la couleur, ainsi que l’extension de sa méthode aux lieux consacrés de la société de consommation, comme une agence de mannequins (Model, 1980), un grand magasin (The Store, 1983) ou une station de ski huppée (l’hilarant Aspen, 1991). Le troisième et dernier coffret réunit bon nombre de ses travaux récents, sortis sur les écrans, comme l’extraordinaire ballet sportif de Boxing Gym (2010) ou la chronique d’une gentrification annoncée, dans In Jackson Heights (2015). Un œuvre de haute citoyenneté, toujours à même de nous rappeler les apories et les espoirs de nos aménagements démocratiques. M.Ma

2 coffrets de 14 et 16 DVD. Blaq Out, 60 euros et 54 euros.

  • La Demoiselle, La Traversée et autres courts de Jean-François Laguionie

Il s’en fallut de peu que Jean-François Laguionie ne devienne jamais animateur : une rencontre avec Paul Grimault, une « caméra qui ne [servait] à rien en ce moment », et voilà le marionnettiste découvrant la technique à l’instinct, par superposition de découpages : c’est La Demoiselle et le violoncelliste, Grand Prix du Festival d’Annecy 1965, et premier film d’un beau livre-DVD consacré à ses courts-métrages. S’il a failli ne jamais animer, c’est qu’il s’était rêvé conteur au sens large – il a aimé les mots avant les images. Le livre rend hommage à ce talent moins connu en accordant à la plume, avec des scenarii en forme de nouvelles, toute la considération que sa délicatesse mérite. Grâce soit cependant rendue à Grimault d’avoir ouvert une voie complémentaire : l’univers qui s’y déploie est unique, fait de visions dignes d’un Douanier Rousseau quittant ses jungles pour s’égarer sur les mers ou les sables étranges de lunes rêvées par Dali – à découvrir, redécouvrir, offrir d’urgence. N. Lu.

Livre-DVD, coédition La Traverse/Les Editions de l’Oeil

  • The Burbs

Coffret The Burbs, les banlieusards, de Joe Dante. | Carlotta

Sorti en 1989 sous le titre Les Banlieusards, cette comédie noire, généralement considérée comme mineure dans les filmographies de son auteur, Joe Dante, et de sa star, Tom Hanks, reçoit des mains de l’éditeur Carlotta le traitement dû à un chef-d’œuvre. Les tribulations de Ray Peterson (Hanks), qui habite un de ces lotissements où grouillent les pulsions enfouies de la petite bourgeoisie américaine, sont analysées à travers le prisme de la panique sataniste des années 1980, replacées dans la thématique qui parcourt l’œuvre de Joe Dante. Un épais recueil d’essais et un disque de bonus (dont une fin alternative qui aurait fait un bien fou au film) font de The Burbs un objet appelé à trôner fièrement sur les rayons d’une DVDthèque. Le meilleur destinataire d’un pareil cadeau sera sans doute un ami américain, propre à s’émerveiller des fantaisies de la cinéphilie française. T.S.

Un coffret de deux DVD et un livre. Carlotta.

  • Tchao Pantin

Pour replonger dans les années 1980, version française, cette restauration de Tchao Pantin fait une machine à remonter le temps idéale. En 1983, le film de Claude Berri, tourné dans un Paris nocturne peuplé de squatters, de punks et d’immigrés clandestins, concourait aux Césars la même année qu’A nos amours, de Maurice Pialat. Ce dernier descendait de la Nouvelle Vague, Berri de la « qualité française » honnie par Truffaut et ses pairs, une filiation que manifeste la présence au générique du décorateur Alexandre Trauner, qui fut celui de Carné. Au-delà de cette querelle, ce film nocturne, magnifiquement éclairé par Bruno Nuytten, reste le seul témoignage du talent de comédien réaliste de Coluche, mort deux ans à peine après avoir reçu le César du meilleur acteur pour son rôle de pompiste alcoolique qui cherche la rédemption en venant au secours d’un petit dealer que joue Richard Anconina. Ces souvenirs attachés à Tchao Pantin, et bien d’autres encore, sont impeccablement compilés dans le film écrit par Serge July qui accompagne cette réédition. T.S.

Un coffret de 2 DVD et un BluRay. Pathé.

  • Eight Days A Week - The Touring Years

Coffret « Eight Days A Week - The Touring Years », de Ron Howard. | STUDIOCANAL

« Vous connaissez le groupe. Pas leur histoire », prétend – en 2016 – l’accroche du documentaire consacré par Ron Howard aux concerts et tournées des Beatles, de la Cavern de Liverpool en 1962 à leur dernière apparition sur scène, à San Francisco en 1966. Ce doit être une blague tant la beatlemania a été documentée, racontée et ressassée aux jeunes générations, notamment avec la série Anthology en 1995. Qu’importe, on ne s’en lassera jamais d’autant que le réalisateur américain a eu accès à des images inédites, récupérées auprès des télévisions ou des fans – dont l’adolescente Sigourney Weaver, filmée au Hollywood Bowl. Enrichi par de nouveaux témoignages de Paul McCartney et de Ringo Starr, ce document bien rythmé montre l’admirable résistance des « Fab Four » à une folie collective qui devint le symbole de la libération de la jeunesse occidentale. L’édition Deluxe propose un deuxième disque de bonus avec cinq extraits complets de concerts. Bruno Lesprit

1 ou 2 DVD Studiocanal, à partir de 19,99 euros.