Le siège de la banque Monte dei Paschi di Siena, au Palazzo Salimbeni, à Sienne (Toscane). | ALESSIA PIERDOMENICO / GETTY / BLOOMBERG

La Banque centrale européenne (BCE) n’a pas voulu prolonger l’attente. Vendredi 9 décembre dans l’après-midi, le superviseur bancaire logé au sein de l’institution a rejeté la demande d’un délai supplémentaire de vingt jours pour finaliser la recapitalisation de la troisième banque italienne, Monte dei Paschi di Siena (BMPS), qui peine à trouver sur les marchés les 4 milliards d’euros encore nécessaires à sa survie.

L’information a été communiquée informellement puis diffusée par les agences de presse italiennes, sans confirmation officielle, comme c’est d’usage. Un conseil d’administration de BMPS s’est tenu dans la soirée à Milan, pour tirer les conséquences de cette décision, qui ne lui avait pas encore été formellement communiquée. En entrant au siège de la banque, le président de BMPS, Alessandro Falciai, a déclaré qu’il n’était « absolument pas » préoccupé par le refus de l’institution de Francfort. Pourtant il y aurait de quoi : la banque n’a plus que trois semaines, d’ici au 31 décembre, pour assurer sa survie.

Les syndicats, eux, ont aussitôt fait part de leur colère : « Si la décision de la BCE de ne pas accorder un nouveau délai était confirmée, nous serions devant une prise de position irresponsable, folle et arrogante, à la limite de la provocation », a réagi Lando Maria Sileoni, secrétaire national de la puissante Fédération autonome bancaire d’Italie (FABI), principale organisation du secteur, ajoutant : « Le destin de 26 000 personnes et de leurs familles, ainsi que celui de 5 millions de clients, est en jeu ».

Si le superviseur s’est montré inflexible, c’est qu’il estime qu’un délai n’aurait rien changé, à part retarder la résolution du problème en masquant l’évidence : la banque est incapable de lever de l’argent frais sur les marchés, et trois semaines supplémentaires n’y changeront rien. D’autant plus que les incertitudes politiques liées à la crise ouverte par la démission du premier ministre Matteo Renzi, dont le projet de réforme constitutionnelle a été rejeté par les électeurs italiens le 4 décembre, ne sont pas de nature à rassurer les investisseurs. Elles semblent être la principale raison des atermoiements du Qatar, un temps intéressé par une prise de contrôle de la banque, et qui pour l’heure n’a pas donné suite.

Si le plan de sauvetage venait à échouer, comme cela semble devenir de plus en plus probable, les règles européennes de sauvetage des banques, dites de « bail in », adoptées en décembre 2013, s’appliqueraient. Selon ce mécanisme, les actionnaires et créanciers sont les premiers à être mis à contribution s’il faut renflouer un établissement, et non plus l’argent public. Un objectif louable, destiné à éviter que les contribuables ne paient pas à la place des financiers le prix d’investissements hasardeux.

Un mécanisme risqué

Mais ce principe se heurte, dans le cas précis de BMPS, à une donnée potentiellement explosive : une bonne partie des créanciers de la banque sont en réalité… des petits épargnants, auxquels des conseillers indélicats ont vendu pendant des années des obligations subordonnées, en théorie réservées à des investisseurs plus avertis. En novembre 2015, la première mise en œuvre de cette mécanique, lors du sauvetage de quatre banques locales, avait provoqué le suicide d’un retraité qui avait perdu toutes ses économies, provoquant l’émotion et la colère dans tout le pays. Dès lors, comment imaginer qu’un gouvernement prenne le risque d’activer ce mécanisme ? La décision, très risquée humainement, serait politiquement désastreuse, alors que se profilent des élections législatives qui auront lieu au plus tard en février 2018.

Cependant un compromis permettant d’échapper au « bail in » sans enfreindre ouvertement les règles européennes semble envisageable. Plusieurs options sont à l’étude, notamment celle d’une « recapitalisation préventive » avec mise à contribution, parmi les détenteurs de titres, des seuls investisseurs institutionnels, laquelle serait couplée à une intervention publique pour indemniser les petits épargnants. Il serait dès lors aisé de jouer sur les mots pour affirmer qu’il s’agirait d’une sorte d’aide sociale à des personnes, et non plus d’un soutien public à des banques, et les apparences seraient sauves.

Les partisans de cette solution ont un argument majeur : l’évident défaut d’information des petits épargnants italiens. Ce cas de figure n’avait pas été envisagé par les concepteurs du « bail in », ce qui pourrait inciter les Européens à un peu de souplesse.

Reste qu’une telle intervention serait forcément coûteuse, alors que l’équilibre des finances italiennes reste très précaire. Le budget 2017, dont la version finale a été adoptée mercredi 7 décembre, prévoit un déficit de 2,3 % du PIB, et il a été conçu au prix de vives tensions avec Bruxelles. Elle pourrait, de plus, créer un précédent alors que commence un long processus de fusion des petites banques populaires italiennes, plombées par les créances douteuses.

Dans tous les cas, la nouvelle devrait inciter les responsables politiques italiens à trouver une solution, au moins provisoire, pour conduire les affaires du pays. Pour l’heure, Matteo Renzi est chargé d’expédier les affaires courantes. Mais la survie de la plus vieille banque du monde, créée vingt ans avant la découverte de l’Amérique, nécessite sans doute un gouvernement de plein exercice, qui pourrait tenter de rassurer les marchés.