John Kerry, à Paris, le 10 décembre. | PATRICK KOVARIK/AFP

Résignés sur l’imminente reconquête par le régime et ses alliés russes des quartiers rebelles de l’est d’Alep, les Occidentaux espèrent encore limiter l’ampleur de la catastrophe humanitaire et soulager les souffrances des civils. Mais même sur ce point, ils semblent impuissants. Que pèsent les dénonciations des bombardements massifs et sans discrimination, présentés par le secrétaire d’Etat américain John Kerry comme des « crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » ? La résolution adoptée vendredi 9 décembre par l’assemblée générale de l’ONU à l’initiative du Canada et appelant à une trêve immédiate (122 voix pour, 13 contre, 37 abstentions), n’a aucune valeur contraignante.

« Il peut y avoir une solution, mais cela dépend des choix importants et magnanimes de la Russie », a reconnu le chef de la diplomatie américaine en appelant à la « compassion » du Kremlin lors d’une conférence de presse, samedi 10 décembre à Paris, à l’issue d’une matinée de réunions des ministres des affaires étrangères, une dizaine de pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, la France, Allemagne, pays du Golfe et Turquie) qui, depuis le début du soulèvement syrien, soutiennent la rébellion. Il appelle, comme ses homologues, la Russie à laisser partir la population, à permettre l’acheminement des aides humanitaires, et à donner des garanties de sécurité aux combattants pour qu’ils acceptent de quitter la ville.

« La paix des cimetières »

« Personne n’a présenté de propositions concrètes et tous se lavent les mains de ce qui est en train de se passer », a lancé, amer, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, en quittant le premier la réunion. Tous les participants pensent déjà à l’après-Alep, sans pour autant avoir défini de stratégie commune. L’administration Obama est en fin de mandat, tout comme la présidence de François Hollande, et les Britanniques sont obnubilés par le Brexit. Les acteurs régionaux ont eux chacun leur propre feuille de route, à commencer par la Turquie pour qui la priorité va à l’élargissement de la zone de sécurité qu’elle s’est créée au nord d’Alep sur une partie de la frontière. Tous conviennent néanmoins que la chute d’Alep n’est pas la fin de la guerre.

« Quelle paix si c’est la paix des cimetières ? », a lancé le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, en insistant sur l’urgence de « définir les conditions d 'une vraie transition politique apte à garantir l’avenir d’une Syrie pacifiée ». En un mot, reprendre Genève et les discussions dans le cadre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité votée en décembre 2015. L’opposition est prête à revenir à la table des négociations « sans condition préalable ». Mais elle est très affaiblie et la chute d’Alep la marginalisera un peu plus.

Fort du soutien russe et iranien, Bachar Al-Assad veut pousser son avantage sur le terrain. Paris tente néanmoins de faire pression en soulignant que sans un processus de transition, il s’opposera à ce que l’Union européenne aide à la reconstruction de la Syrie.

Mais au moins pour témoigner et rappeler l’urgence de l’envoi d’aide humanitaire, une délégation composée des députés français Cécile Duflot (EELV), Hervé Mariton (LR) et Patrick Menucci (PS) devait se rendre le 12 décembre au nord de la Syrie, aux côtés du maire d’Alep-Est Brita Hagi Hassan afin, selon les mots de la députée écologiste, « d’apporter un message de soutien à la population, qui se sent légitimement abandonnée par la communauté internationale ».