Une femme se recueille sur la tombe d’un proche au mémorial de Potocari, en Bosnie-Herzégovine, le 10 juillet 2015. | DADO RUVIC / REUTERS

Pour la première fois, la justice serbe va juger les auteurs présumés de ce qui fut la pire tuerie sur le sol européen depuis la seconde guerre mondiale : le massacre de Srebrenica, perpétré en 1995 en Bosnie. « Nedjo le boucher » et sept anciens policiers comparaissaient libres, lundi 12 décembre, devant un tribunal de Belgrade.

Ils sont accusés d’avoir ordonné ou participé à l’exécution en une seule journée de plusieurs centaines de Musulmans bosniaques, capturés dans une forêt puis tués dans un entrepôt de Kravica, près de Srebrenica. Ils encourent vingt ans de prison, pour « crimes de guerre contre la population civile ».

Arrêtés en mars 2015, les huit hommes appartenaient à une unité policière spéciale, Jahorina, du nom d’une station de ski surplombant Sarajevo. Une dizaine de ses membres ont déjà été jugés en Bosnie. Selon les éléments de l’enquête, pendant le massacre, ces hommes avaient tiré à l’arme automatique dans l’entrepôt et y avaient jeté des grenades. Les restes des victimes ont été retrouvés dans huit charniers.

Parmi les hommes jugés à Belgrade figure le commandant de la brigade, Nedeljko Milidragovic, alias « Nedjo le Boucher », 58 ans. Boucher avant la guerre, il est devenu policier pendant le conflit, selon des médias serbes. Après la guerre, il s’est installé en Serbie, où il est devenu un prospère homme d’affaires.

100 000 morts

Originaires de Bosnie, ces huit hommes ont tous obtenu la nationalité serbe après la fin de la guerre intercommunautaire (1992-1995) qui a fait 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés, soit la moitié de la population d’avant-guerre.

La Serbie refuse de considérer que Srebrenica fut un acte de génocide, comme le fait depuis plusieurs années la justice internationale, et comme l’a répété en mars dernier le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) en condamnant à quarante ans de prison Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie pendant le conflit.

Dans les derniers mois de la guerre, en juillet 1995, les forces serbes de Bosnie commandées par le général Ratko Mladic ont massacré quelque 8 000 hommes et adolescents bosniaques.

Les victimes avaient été séparées des femmes et des enfants tandis que la population tentait de fuir l’enclave de Srebrenica, submergée par les forces serbes alors qu’elle était censée être sous protection onusienne.

« Affronter son passé »

Une partie de la population serbe et sa classe politique contestent que les Serbes soient les principaux responsables des conflits qui ont ensanglanté les Balkans dans les années 1990, quand Slobodan Milosevic était au pouvoir à Belgrade.

Pour l’ancien procureur serbe pour les crimes de guerre, Vladimir Vukcecic, le procès qui débute lundi « est très important, car la Serbie doit affronter son passé ». « Faute de quoi, il ne peut y avoir de catharsis, il ne peut pas y avoir de réconciliation dans la région », a expliqué le magistrat.

Pour Munira Subasic, membre de l’organisation Les Mères de Srebrenica, qui assiste au procès, « la Serbie, qui est derrière tout cela, n’a pas puni à temps les auteurs des crimes et du génocide ». Après avoir perdu vingt-deux membres de sa famille, dont son fils, Mme Subasic réclame justice.