Le chef de file du parti social-démocrate (PSD), Liviu Dragnea, le 11 décembre au siège de sa formation. | DANIEL MIHAILESCU / AFP

Un an après avoir été expulsés du pouvoir par la rue, les sociaux-démocrates roumains ont remporté une écrasante victoire aux élections parlementaires organisées dimanche 11 décembre. Selon des sondages sorties des urnes, ils obtiendraient environ 45 % des sièges. Avec leur allié du parti libéral ALDE, ils devraient facilement obtenir la majorité absolue à la chambre des députés.

Le chef de file du parti social-démocrate (PSD), Liviu Dragnea, a revendiqué la victoire depuis le siège du parti, étrangement vide de tout militant. « Il n’y a aucun doute sur le vainqueur de ces élections », a assuré sans emphase et sans sourire ce cadre historique du parti, âgé de 54 ans. Héritier de l’ancien parti communiste, le PSD domine – sous différentes formes – le paysage électoral depuis la révolution roumaine de 1989. Malgré sa condamnation à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale au printemps – une « erreur judiciaire » selon lui – M. Dragnea fait figure de favori pour devenir le nouveau premier ministre. « Je ne vais pas tourner le dos au vote d’aujourd’hui et en faire cadeau à quelqu’un d’autre », a-t-il affirmé.

La loi roumaine interdit pourtant normalement aux personnes condamnées « au pénal » de devenir ministre et le président libéral Klaus Iohannis a expliqué qu’il refuserait de nommer un condamné premier ministre. « Je refuse de croire que le président ne va pas comprendre ce qui s’est passé aujourd’hui », a répondu M. Dragnea lorsqu’il a été interrogé sur ce point. Même si la participation a été très faible – 39 % –, M. Dragnea a pu compter sur son électorat traditionnel, plutôt rural et âgé, qui se mobilise toujours fortement. Le PSD a notamment promis d’augmenter fortement les salaires et les retraites, afin de redistribuer l’actuelle formidable croissance, 4,6 % au troisième trimestre 2016, la plus élevée de l’Union européenne. « Les Roumains ont voté pour la croissance économique, la diminution des taxes et des impôts, pour avoir plus d’argent dans leur poche », a célébré M. Dragnea.

Scandales de corruption

L’actuel premier ministre, Dacian Ciolos, est le grand perdant du scrutin. Cet ancien commissaire européen avait pris le pouvoir en novembre 2015 après la démission du social-démocrate Victor Ponta, emporté par les scandales de corruption et les conséquences de l’incendie funeste d’une boîte de nuit de Bucarest qui ne respectait pas les normes de sécurité. A la tête d’un gouvernement technocrate, il avait fait de la lutte contre la corruption et pour la transparence sa priorité. Le très efficace parquet national anti-corruption a en effet multiplié les procédures et arrestations spectaculaires ces derniers mois. Le PSD, qui vante les vertus de la « prévention » plutôt que celles de la « sanction », pourrait désormais tenter de limiter ses pouvoirs.

« Sur le court terme, les promesses populistes sont plus payantes », avait constaté avec regret M. Ciolos auprès du Monde avant le scrutin. Sans se présenter directement aux élections, il bénéficiait du soutien de deux partis, les libéraux du PNL et le nouveau parti anti-corruption Union sauvez la Roumanie (USR). Selon les sondages sorties des urnes, le PNL a réalisé une contre-performance en obtenant à peine 21 % des voix. « Un match se joue jusqu’au bout. Notre objectif reste de constituer une majorité parlementaire autour de l’actuel premier ministre Dacian Ciolos », a toutefois expliqué sa présidente, Alina Gorghiu.

Tonalité nationaliste

Agé d’un an à peine, l’USR réalise, lui, une percée à 9,4 % des voix et va faire son entrée au Parlement, en ayant séduit la classe moyenne jeune et urbaine, fatiguée des scandales à répétition. « Nous avons réussi à bâtir la troisième force politique du pays en quelques mois », a vanté auprès du Monde la vice-présidente de l’USR, la franco-roumaine Clotilde Armand. « Mais c’était très difficile dans les campagnes où les maires connaissent bien leurs ouailles et leur disent pour qui voter. » La population rurale représente encore 45 % des Roumains, et la diaspora – évaluée à trois millions de personnes – n’a pu avoir qu’une influence marginale sur ce scrutin avec six députés seulement.

Pour la première fois depuis l’adhésion à l’Union européenne en 2007, la campagne politique roumaine a pris une tonalité nationaliste et antieuropéenne, avec l’émergence d’un nouveau parti d’extrême droite proche des sociaux-démocrates, qui n’a toutefois pas pu passer la barre des 5 % nécessaires pour rentrer au Parlement. Ce parti soutenait officiellement le retour au pouvoir de M. Ponta, qui était pourtant candidat sur les listes du PSD malgré ses ennuis judiciaires. Celui-ci a fait campagne en s’en prenant à l’influence de « Bruxelles » et de « l’étranger » sur l’économie roumaine, très dépendante des capitaux extérieurs. « Le vote d’aujourd’hui nous montre que les Roumains veulent se sentir chez eux dans leur pays », a expliqué M. Dragnea dimanche soir. « La Roumanie respectera tous ses engagements internationaux », a-t-il toutefois garanti.