Le ministre saoudien de l’énergie, Khalid al-Falih, lors de la réunion de l’OPEP le 30 novembre à Vienne. | JOE KLAMAR / AFP

Deux ans après avoir décidé de jouer la politique des vannes ouvertes qui a inondé le marché de brut et entraîné la chute des cours, les producteurs de pétrole sont revenus à une stratégie plus classique de recherche du juste prix. Les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s’étaient entendus le 30 novembre, à Vienne, pour réduire leur production de 1,2 million de barils par jour (sur près de 34 millions) du 1er janvier au 30 juin 2017, un semestre qui pourra être prolongé si le marché ne se rééquilibre pas. Réunis samedi 10 décembre dans la capitale autrichienne, les représentants de onze producteurs non membres du cartel et les dirigeants de l’OPEP sont tombés d’accord pour que les « non-OPEP » participent à une baisse de 558 000 barils par jour.

Il a fallu près d’un an pour arriver à ce double consensus. Les pourparlers avaient en effet été lancés en février 2016, quand le baril était descendu sous la barre des 30 dollars (28,40 euros), faisant souffler un véritable vent de panique. L’opposition entre les Saoudiens et les Iraniens – Téhéran refusant une baisse ou même un gel de sa production – avait néanmoins fait capoter la réunion de Doha (Qatar) en avril. Quant aux Russes, ils faisaient de l’accord au sein de l’OPEP un préalable à leur engagement de réduire leur production.

« Un accord historique »

Il faut remonter à 2001 pour trouver un tel consensus politique. « C’est un accord historique », a annoncé le ministre qatari de l’énergie, Mohamed Saleh Al-Sada, dont le pays préside l’OPEP jusqu’à la fin de l’année. « Il va cimenter notre coopération à long terme », a estimé le ministre saoudien de l’énergie, Khaled Al-Faleh, devant la presse. Pour son homologue russe, Alexander Novak, il contribuera à « stabiliser le marché pétrolier, à en réduire la volatilité et à attirer de nouveaux investissements ». Depuis l’accord du 30 novembre, le baril a regagné près de 15 %.

La Russie sera le plus important des contributeurs non-OPEP avec 300 000 barils par jour. Le Kremlin a donné des consignes à ses groupes pétroliers, notamment le géant public Rosneft et le numéro un du secteur privé Lukoil. Un effort très relatif : même en amputant sa production sur la base de 11,2 millions de barils par jour, elle pompera plus de pétrole en janvier 2017 qu’un an plus tôt. Et cette baisse doit intégrer la déplétion naturelle de champs arrivés à maturité. Production encore très soutenue et remontée des cours lui permettront de réduire le déficit d’un budget toujours très dépendant des hydrocarbures.

D’autres nations doivent participer à l’opération (Mexique, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Bahreïn, Oman, Soudan du Sud, Soudan, Malaisie…). Signe de sa volonté de donner du crédit à cet accord, l’Arabie saoudite a annoncé qu’elle irait plus loin que prévu (– 486 000 barils). « Nous couperons substantiellement sous le seuil promis » de 10,06 millions de barils, a promis Khaled Al-Faleh. Et un comité de surveillance coprésidée par le Koweït et la Russie sera mis en place.

Les vingt-quatre pays (incluant les treize membres de l’OPEP) qui ont accepté cette baisse – dont les Etats-Unis ne font pas partie – totalisent 55 % de la production mondiale. Leur accord devrait entraîner la poursuite de la remontée des cours vers les 60 dollars, alors que le Brent dépassait déjà 57 dollars lundi matin. Sur le papier, ce sont donc près de 1,8 million de barils qui vont être retirés du marché au premier semestre.

Objectif des pays producteurs : retrouver un cours d’au moins 60 dollars. C’est le prix que les compagnies espèrent pour relancer des investissements tombés de près de 800 milliards de dollars en 2013 à 450 milliards en 2016. « Les majors du pétrole se porteraient mieux si les cours étaient entre 60 et 70 dollars le baril », a reconnu le PDG de Total, Patrick Pouyanné, dans Le Journal du Dimanche du 11 décembre, tout en précisant que « le marché va rester volatil ».

« Nous avons tendance à frauder »

La première inconnue reste l’application de l’accord. Les marchés semblent désormais convaincus de la bonne volonté de la Russie et des pétromonarchies du golfe arabo-persique, qui assureront près des deux tiers de l’effort. Mais sur les 17 baisses annoncées par l’OPEP depuis 1982, le cartel n’a respecté ses objectifs qu’à 60 % en moyenne, selon la banque Goldman Sachs. « Nous avons tendance à frauder », a récemment reconnu Ali Al-Naimi, l’ex-ministre saoudien du pétrole, en évoquant le comportement de l’organisation.

Seconde inconnue : la réaction des pétroliers américains exploitant les shale oil. Riyad estime qu’en 2017, ils ne répondront pas à la hausse des prix par un surcroît de production qui ferait à son tour retomber les cours. Une analyse réfutée par les experts de Golman Sachs, qui constatent la forte remontée du nombre de plates-formes de forage en activité depuis juin. Ils estiment que ces producteurs pourraient remettre 800 000 barils sur le marché l’an prochain, ce qui ferait retomber les cours autour de 55 dollars. D’autant que le président élu, Donald Trump, a réitéré sa volonté de libérer la production des carcans fiscaux et environnementaux.