Documentaire sur France Culture du lundi au jeudi à 17 heures

Picture of the "painted gallery" taken during a visit of the Lascaux Cave on July 25, 2008 near the village of Montignac, south Western France. | PIERRE ANDRIEU / AFP

Arrivée devant l’étroit passage, la documentariste demande : « On va ramper ? » Oui, dit l’archéologue, « on va ramper ». A partir du 12 décembre, « LSD, La série documentaire » propose, sur France Culture, un voyage en quatre volets dans les grottes ornées de Dordogne, d’Ardèche ou d’ailleurs – quitte à effectuer quelques acrobaties, quitte à parfois devoir ramper. Promener un ­micro devant les panneaux somptueux de Lascaux ou de Chauvet, devant ces fresques monumentales figurant des cavalcades d’aurochs, de bisons ou de rhinocéros, peut a priori sembler une idée saugrenue, mais le résultat est une déambulation passionnante, dans les grottes elles-mêmes bien sûr, mais aussi dans l’histoire de l’art, l’archéologie, l’anthropologie et l’histoire des sciences.

Dans les pas de l’abbé Breuil

L’originalité du projet tient à une narration qui entremêle les propos et les niveaux d’analyse. Partir à la recherche des grottes ornées, c’est marcher dans les pas de l’abbé Breuil, l’« inventeur » de la préhistoire, mais aussi raconter les expéditions des spéléologues ou recueillir, dans les campagnes, les légendes et les rumeurs qui circulent sur ces cavernes que des enfants en maraude auraient découvertes, sans en souffler mot à quiconque… C’est aussi partir à la recherche des hommes et des sociétés qui ont produit ces œuvres.

On suit les premières controverses, à la fin du XIXe siècle, sur la réalité de cet art pariétal, qui semble impossible à attribuer à cette créature présumée grossière et brutale qui nous tient lieu d’ancêtre – alors que la recherche ultérieure montrera que les hommes du ­magdalénien ou de l’aurignacien n’étaient autres que nous-mêmes, déjà pourvus de la même physionomie et des mêmes facultés cognitives. Mais, au sortir de la domination intellectuelle de l’Eglise, alors que les milieux scientifiques ferraillent pour imposer l’évolution darwinienne, il apparaît naturel que les hommes des âges anciens soient dépourvus de sensibilité, de spiritualité. Avant d’être réellement « inventé », l’art rupestre est donc d’abord considéré comme apocryphe. L’œuvre de plaisantins qui souhaitent surtout s’amuser de ceux qui seraient assez fous pour y croire.

Puis, au début du XXe siècle, vient le temps de la recherche. A Rouffignac, Altamira, puis Lascaux et Chauvet… Le format radiophonique permet de redécouvrir la grotte ornée. Ce n’est pas qu’une question d’ambiances sonores : tout faire passer par le son est aussi le moyen de se détourner de l’émerveillement visuel, de s’intéresser un peu plus à ce que l’on ne voit pas  : les techniques d’exécution, les échafaudages qu’il a fallu monter pour peindre en hauteur, les lampes accumulées, les empreintes de pas des enfants…

Au-delà du choc visuel, les chercheurs tentent de comprendre et d’interpréter cet art dont les représentations humaines sont sinon absentes au moins très rares. Chamanisme ? Mythe de création ? La culture de ces hommes du paléolithique, demeurée vivace pendant des millénaires et dont les traces matérielles se rencontrent de la Sibérie aux Pyrénées, nous échappe largement. Mais les mythologues ont plus d’un tour dans leur sac et certains n’hésitent pas à brosser, à grands traits, le genre d’histoires qu’on pouvait se raconter, il y a trente mille ans, sous les panneaux somptueux d’Altamira ou de la grotte Chauvet.

« Lascaux saison 4 : un art quasi-mort et très enterré », de Perrine Kervran, réalisation de Diphy Mariani (4 × 55 minutes).