Commémorations à Istanbul, le 11 décembre,  au lendemain d’un double attentat perpétré aux abord du stade de Besiktas. | YASIN AKGUL / AFP

Les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), un groupuscule terroriste affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie), a revendiqué, dimanche 11 décembre, l’attentat qui a fait 44 morts, dont 36 policiers, et plus de 150 blessés, la veille, dans le quartier de Besiktas à Istanbul, connu pour son stade de foot, ses bars et ses restaurants qui servent de l’alcool.

Dans son communiqué, l’organisation menace la population turque : « Vous n’aurez pas une vie tranquille » tant que la guerre fera rage dans le sud-est de la Turquie et tant que « restera en prison le président Apo », le chef kurde Abdullah Öcalan, incarcéré à vie dans l’îlot d’Imrali en mer de Marmara. Il s’agit du sixième attentat revendiqué par ce groupuscule depuis le début de l’année. En réponse, les autorités turques ont arrêté plus de cent membres de la principale formation prokurde (le Parti démocratique des peuples, HDP), dans l’ensemble du pays. Ils sont soupçonnés d’appartenance au PKK, considéré comme un groupe terroriste par Ankara, ou d’en relayer la propagande, a indiqué l’agence Anadolu.

Enquête ouverte

Drapeaux en berne, marches de deuil, hommages mortuaires : la Turquie a honoré ses morts, dimanche, au lendemain du double attentat, dans le quartier de Besiktas. Carrefour de routes et de moyens de transport, le quartier héberge aussi les bureaux officiels du premier ministre, situés non loin du quai où les bateaux font la navette entre les rives européenne et asiatique du Bosphore.

Samedi soir, à 22 h 30 heure locale, une voiture remplie de 400 kg d’explosifs s’est approchée d’un minibus des forces antiémeute déployées près du stade pour éviter les débordements du match Besiktas-Bursaspor, lequel était terminé depuis bientôt deux heures. Moins d’une minute plus tard, un jeune homme porteur d’un sac à dos se faisait exploser au milieu d’un groupe de policiers dans le parc voisin de Macka, a détaillé le vice-premier ministre, Numan Kurtulmus. Treize suspects ont été arrêtés, une enquête a été ouverte.

L’attentat risque de porter un rude coup au secteur du tourisme, d’ores et déjà affecté par une baisse de 37 % de la fréquentation. On ne compte plus les hôtels qui mettent la clef sous la porte. Des centaines d’établissements ont choisi de fermer provisoirement à l’approche de l’hiver.

« A chaque fois que la Turquie amorce un tournant positif pour son avenir, les terroristes y répondent par le sang, la sauvagerie et le chaos », a estimé le président, Recep Tayyip Erdogan, dans un communiqué publié dimanche. Quelques heures avant le double attentat, le Parlement s’était attelé à l’examen du projet d’hyperprésidence cher à M. Erdogan. Concoctée par les ultranationalistes du MHP et les islamoconservateurs du Parti de la justice et du développement (AKP), la réforme constitutionnelle confère des pouvoirs exorbitants au chef de l’Etat.

« A chaque fois que la Turquie amorce un tournant positif pour son avenir, les terroristes y répondent par le sang, la sauvagerie et le chaos », a estimé le président Erdogan

Si elle est adoptée, par un référendum au printemps ou à l’été 2017, le président nommera et démettra les ministres, le ou les vice-présidents, les hauts fonctionnaires, la moitié des hauts magistrats. Les ministres et les vice-présidents n’auront de comptes à rendre qu’à lui seul.

Il pourra décider du budget, aura le pouvoir de déclarer l’état d’urgence quand bon lui semblera, y compris en cas de crise économique. En tant que chef de l’exécutif, il gouvernera par décrets, passant outre le Parlement sur toute une série de sujets. C’est lui qui décidera de l’emploi de l’armée dont il est le commandant en chef.

Les législatives – fixées à la date du 3 novembre 2019, tout comme la présidentielle – perdront en substance puisque les résultats seront sans effet sur la composition du gouvernement. Le Parlement, élargi à 600 députés au lieu de 550 actuellement, ne sera plus qu’une Chambre d’enregistrement, à l’image de la Douma russe.

Car, loin d’être une copie du système présidentiel « à la française » ou « à l’américaine », comme l’affirment les tenants de l’islam politique, la « nouvelle Turquie » de M. Erdogan semble s’inspirer davantage de la « verticale du pouvoir » en vigueur dans la Russie de Vladimir Poutine.