Bernard Cazeneuve, le 13 décembre, à l’Assemblée nationale. | Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde

Nommé premier ministre le 6 décembre par François Hollande après la démission de Manuel Valls, Bernard Cazeneuve s’est soumis, mardi 13 décembre, à l’exercice obligé – mais non obligatoire – de la déclaration de politique générale. Cela aurait pu être une simple formalité mais, dans ce discours de quarante-cinq minutes et, plus encore, dans sa réponse aux orateurs de chaque groupe, s’est révélé un chef de gouvernement qui, pour être conscient de la brièveté de son bail à Matignon, n’en est pas moins déterminé à imprimer sa marque dans les cinq mois qui vont précéder l’élection présidentielle.

Cela fait bien longtemps que les bancs de la gauche ne s’étaient pas levés à l’unisson pour applaudir le chef du gouvernement. M. Cazeneuve a su, parfois avec force, tantôt avec gravité et quelques traits d’humour, imposer son style et gagner l’écoute d’une large partie de l’Hémicycle. A la fin de sa réponse, il a même été applaudi par les députés communistes et une partie des centristes de l’UDI qui, pourtant, ont voté contre sa déclaration de politique générale. Celle-ci a été approuvée par 305 voix contre 239. La dernière fois que M. Valls avait engagé la confiance de son gouvernement, le 16 septembre 2014, il avait recueilli 269 voix contre 244.

« Je sais que cette mission sera brève, mais je veux l’exercer pleinement », a d’emblée posé M. Cazeneuve. On a vite compris, cependant, que l’essentiel de sa tâche consisterait à défendre le bilan et les acquis de ce quinquennat et à pourfendre le programme porté par le candidat de la droite. Annonçant de nouvelles mesures dès le début 2017 en faveur de l’accès aux soins dans les territoires et pour le remboursement des soins dentaires, il défend ainsi la généralisation du tiers payant, qui « s’imposera rapidement comme un immense progrès pour tous ».

« Quand certains, dans cet Hémicycle, se situent dans une perspective de déremboursement des dépenses de santé, mon gouvernement, lui, agira inlassablement pour renforcer le droit de nos concitoyens à se faire soigner », insiste-t-il, ciblant directement François Fillon. Qu’il interpelle de nouveau sur sa proposition de « supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires » : « C’est remettre tout simplement en cause la capacité de l’Etat à assumer ses missions les plus élémentaires », pilonne-t-il. Avant d’asséner : « On peut réformer sans abîmer et moderniser sans détruire », ce qui pourrait bien être un des thèmes de la campagne à venir.

Bernard Cazeneuve critique François Fillon dans sa déclaration de politique générale
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Face à une droite qui multipliait les interjections sans parvenir à le déstabiliser, M. Cazeneuve achevait son discours par un appel au respect, « le respect qui proscrit le cynisme, qui proscrit le mensonge, qui proscrit les postures, la violence et les outrances ». « Le respect que l’on doit aussi à ceux qui ne sont pas nés ici mais qui ont choisi la France, respectent ses lois et contribuent, par leur travail et par leur talent, à sa prospérité », concluait-il sous les applaudissements de la gauche.

« Soyez fiers »

Dans sa réponse aux orateurs de l’opposition, notamment au réquisitoire sans nuance de Christian Jacob, le président du groupe Les Républicains, M. Cazeneuve se montre encore plus vigoureux. Il rappelle d’abord la droite à son propre bilan, mettant en regard les résultats en matière de gestion des finances publiques, et fustige la violence des propos tenus à son encontre. « Je vous le dis, ce que vous vous autorisez avec moi, jamais je ne me l’autoriserai, avec aucun responsable de votre sensibilité qui pourrait demain avoir la responsabilité de notre pays. Jamais !, s’insurge-t-il. Nous avons besoin d’une autre manière de faire de la politique. Le pays a besoin de républicains de droite et de gauche qui se respectent. »

Mais il se tourne aussi vers la gauche de l’Hémicycle et, en particulier, vers le député communiste André Chassaigne, en le mettant en garde. « Si nous ne sommes pas capables de faire la différence entre la droite et la gauche, prévient-il, il se peut que les Français n’aient plus le choix qu’entre la droite et l’extrême droite. » Avant, enfin, de s’adresser à sa majorité : « Soyez fiers de ce qui a été fait au cours des cinq dernières années. Nous avons fait au mieux ce que nous estimions devoir faire. » Il lui reste cinq mois pour arriver à en convaincre les électeurs.