Le centre hospitalier de Saint-Egrève (Isère) a été relaxé dans cette affaire. | Philippe Merle / AFP

Le docteur Lekhraj Gujadhur, psychiatre, a été condamné mercredi 14 décembre à dix-huit mois de prison avec sursis pour homicide involontaire par le tribunal correctionnel de Grenoble. Un de ses patients, schizophrène, s’était échappé du centre hospitalier de Saint-Egrève (Isère) avant de commettre un meurtre. L’établissement a quant à lui été relaxé.

Cette condamnation est conforme aux réquisitions du parquet, qui avait également réclamé une amende de 100 000 euros avec sursis à l’encontre de l’hôpital. Le prévenu, aujourd’hui septuagénaire et retraité, va faire appel de sa condamnation, a annoncé son avocat, Me Jean-Yves Balestas.

Selon lui, cette condamnation « très dure » est « incompréhensible » : « Seul mon client était poursuivi, qui n’est pas titulaire de la responsabilité du pavillon, et pas le médecin [qui suivait le schizophrène] ni le chef de service. Et le centre hospitalier est relaxé alors qu’il avait la responsabilité du contrôle des sorties ! » L’avocat a fait valoir que « les médecins ne sont pas des gardiens de prison ».

« Un tabou est tombé »

Le 12 novembre 2008, Jean-Pierre Guillaud, 56 ans, atteint de psychose délirante chronique depuis près de quarante ans, déjà auteur d’agressions à l’arme blanche mais autorisé à des sorties non surveillées dans le parc du centre hospitalier, s’était échappé sans difficulté de l’établissement. Il avait alors pris le car pour Grenoble à une dizaine de kilomètres, acheté un couteau dans une quincaillerie du centre-ville et tué Luc Meunier, un étudiant de 26 ans.

Le tribunal reconnaît que le docteur Gujadhur a failli dans le suivi de ce patient connu pour sa dangerosité, en n’ayant pas pris connaissance de son dossier durant les deux années où il était hospitalisé dans le pavillon dont il avait la responsabilité de fait.

« La réalité du dossier a parlé, a dit Me Hervé Gerbi, conseil de la famille Meunier. Les magistrats ont dit que chaque patient a droit à un suivi. (…) Un tabou est tombé, celui de l’évaluation de la dangerosité des patients. Et c’est sur les psychiatres que repose cette responsabilité. »

Des conséquences « dramatiques »

En 2012, une psychiatre libérale fut condamnée à de la prison avec sursis à Marseille dans une affaire similaire, avant d’être relaxée en appel pour cause de prescription des faits. « Les conséquences [de cette décision] sont dramatiques pour les malades et la profession », a déclaré Norbert Skurnik, vice-président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp), l’un des principaux syndicats de médecins psychiatres en établissement hospitalier.

« Les schizophrènes n’ont pas vocation à être enfermés », mais le risque de poursuite peut pousser des praticiens « à ne plus autoriser de sortie », a-t-il mis en garde. Selon lui, « les schizophrènes ne sont pas une population criminogène, il y a un passage à l’acte meurtrier tous les trois, quatre ans. Cette population est plus souvent victime de violence. »