Le président Francois Hollande et la chancelière Angela Merkel à Berlin, le 13 décembre. Lors du sommet numérique à Berlin, les responsables politiques ont insisté sur l’importance de la coopération franco-allemande dans le domaine. | © Fabrizio Bensch / Reuters / REUTERS

La révolution numérique et ses conséquences sur l’industrie sont l’un des thèmes centraux de la campagne électorale qui se prépare en Allemagne. Le second sommet numérique franco-allemand, qui s’est tenu mardi 13 décembre à Berlin, en présence d’Angela Merkel et de François Hollande et des ministres Sigmar Gabriel et Michel Sapin, a donné l’occasion aux responsables politiques de montrer que leur coopération dans ce domaine est urgente et nécessaire, afin que puisse émerger un véritable écosystème Internet européen face à la concurrence américaine et asiatique.

Signe de la priorité accordée au sujet, les deux ministères ont annoncé la création d’un fonds d’investissement franco-allemand de 1 milliard d’euros destiné au financement des start-up, et l’élaboration de standards communs.

Déclassement des industriels

Car le constat est alarmant. Sur tous les sujets liés au numérique, les Européens accusent un retard gigantesque sur les poids lourds de l’Internet californien et chinois, dont les modèles économiques s’en prennent à la création de valeur traditionnelle des industries. Ce danger peut se résumer dans le concept de plate-forme : un acteur comme Google, Amazon, Apple ou encore Uber, s’insère entre le produit et le consommateur, prend possession des données échangées qu’il exploite et impose ses prix et ses conditions. Plus il grossit, plus il tend à devenir monopolistique. Il ne fabrique aucun des produits qu’il vend.

Les responsables politiques ont compris les conséquences possibles de cette révolution : déclassement des industriels dans la chaîne de production et la création de valeur, destruction de milliers d’emplois, segmentation accrue du marché du travail.

« La question est de savoir si nous dominons ces nouvelles plates-formes, sans délaisser le produit. Nous étions jusqu’ici, la France et l’Allemagne, les équipementiers industriels du monde, le serons-nous encore demain, dans un monde numérisé ? », s’est interrogé Sigmar Gabriel, mardi dans son discours. Le ministre de l’économie et vice-chancelier allemand n’a pas caché que les industriels traditionnels de son pays ont longtemps méprisé les start-up.

« En réalité, les start-up sont des départements de recherche et développement délocalisés qui peuvent aider le Mittelstand – ces industries de taille moyenne qui font la puissance de l’économie allemande – à comprendre quels sont les défis et les chances du numérique », a ajouté Sigmar Gabriel.

Une série d’initiatives communes

« Il faut agir au niveau européen. Et la France et l’Allemagne doivent contribuer au mouvement », a déclaré Michel Sapin. Outre la nécessité de l’amélioration du financement des start-up par la banque publique d’investissement Bpifrance et son homologue allemand la KfW, les responsables politiques ont annoncé une série d’initiatives communes. François Hollande a ainsi signalé un partenariat entre deux acteurs privés de l’Internet : le moteur de recherche français Qwant et le fournisseur de messagerie allemand Open-Xchange, qui se caractérisent tous deux par la protection des données de l’utilisateur et offrent ainsi une alternative européenne à Google.

Angela Merkel a, de son côté, évoqué la nécessité de s’armer contre la cybercriminalité. Tous ont insisté sur la nécessité de faire en sorte que la révolution numérique profite à tous.

« Je trouve très bien qu’on agisse au niveau franco-allemand sur ces questions. Les décisions se prennent plus rapidement qu’à 28 », estime Erwan Keraudy, cofondateur et directeur de CybelAngel, une pépite française spécialisée dans la cybersécurité. « C’est également pertinent en termes de marché : une start-up, pour se développer correctement, a besoin d’un marché suffisant. La France seule ne suffit pas », poursuit le jeune dirigeant, qui vient de conclure un contrat avec Deutsche Bank. « Ces petits arrogants en baskets blanches ont fini par me convaincre d’investir chez eux, ironise un investisseur institutionnel européen, qui gère un fonds de 2 milliards d’euros et préfère rester anonyme. Le soutien politique au plus haut niveau sert aussi à ça. »

Sans compter que, pour une fois, la coopération franco-allemande ne se limite pas aux ministères. La veille du sommet, une soirée organisée par le French Tech Hub de Berlin dans la Revaler Strasse, un des lieux les plus alternatifs de la capitale allemande, a rassemblé environ trois cents personnes autour de personnalités de l’Internet allemand et français comme Alexander Kudlich, l’un des principaux dirigeants de Rocket Internet, ou Ludovic Le Moan, fondateur de Sigfox, qui ont assisté à des présentations de jeunes pousses des deux côtés du Rhin.