Le Péruvien Saùl Luciano Lliuya, demandait que l’entreprise allemande RWE finance en partie les travaux de sécurisation de la communauté de Huaraz. | CRIS BOURONCLE / AFP

C’était la première plainte du genre en Europe, mais la justice allemande l’a rejetée. Saùl Luciano Lliuya, un agriculteur et guide de haute montagne péruvien, qui demandait une compensation à l’énergéticien allemand RWE pour les dommages causés par le réchauffement climatique dans sa commune de Huaraz, dans le nord du Pérou, a été débouté, jeudi 15 décembre. Ses demandes étaient en partie « irrecevables » et en partie « infondées » a fait savoir le tribunal d’Essen dans un communiqué.

Soutenu par l’ONG environnementale allemande Germanwatch, M. Lliuya avait déposé plainte en décembre 2015, peu avant l’ouverture de la COP 21 à Paris, expliquant que le groupe allemand, dont le siège se trouve à Essen, est un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre de la planète. Selon lui, l’énergéticien – dont aucune centrale n’est basée au Pérou – est partiellement responsable de la fonte des glaciers andins. Et celle-ci fait peser la menace d’une inondation de grande ampleur sur sa famille, sa propriété, et près de la moitié des habitants de Huaraz, qui en compte 120 000.

Selon une étude de 2014 du cabinet londonien Carbon Market Data, RWE, premier pollueur européen, est responsable de 0,5 % des émissions globales de CO2. M. Lliuya demandait donc que l’entreprise finance les travaux de sécurisation de la communauté de Huaraz proportionnellement à ses émissions, soit un montant de 17 816 dollars (17 000 euros). Il demandait aussi qu’elle lui rembourse 6 300 euros, montant de travaux qu’il a acquitté pour protéger sa maison des inondations.

Responsabilité diluée

Le tribunal l’a débouté de sa demande, jugeant que RWE ne pouvait être rendu responsable individuellement d’une telle menace car « il existe de nombreux autres émetteurs qui dégagent des gaz à effet de serre ». Dans un communiqué, RWE a, de son côté, expliqué qu’en raison de la multiplicité des sources d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde – naturelles ou industrielles –, et de la complexité du climat, il n’est pas « possible d’imputer juridiquement à un seul émetteur des effets spécifiques du changement climatique ».

Cette décision en faveur de l’énergéticien ne surprend pas Laurent Neyret, juriste spécialisé dans le droit de l’environnement et de la santé : « On recherche logiquement les émetteurs de CO2 qui ont les moyens d’indemniser mais le droit requiert une condition suffisante pour engager une responsabilité au sens juridique, explique-t-il. Or, dans ce cas, la responsabilité est diluée à la fois dans l’espace, dans le temps et dans la pluralité de causes ; le lien est donc trop distendu pour que le droit puisse passer. »

Roda Verheyen, avocate de Saùl Luciano Lliuya, a déclaré dans un communiqué de Germanwatch que son client ferait « très probablement » appel du jugement du tribunal d’Essen.